Take Five feat. Lexy

- Me mener loin dans la musique ? Je ne pense pas, si je devais avoir un quelconque talent pour ça, ça se saurait. Ce que je peux faire, un bon micro pourrait le faire aussi, vous savez, ce n’est rien d’exceptionnel. 

Elle recommence avec son manque de confiance en elle. Chaque mutation est exceptionnelle et il y a tellement de possibilité avec chacune d’elles, qu’elles sont très souvent mal exploitées. Je détache un instant mon regard du bandage, apercevant de nouveau ce changement dans ses yeux. Le petit monstre se dévoile enfin ?

- Tout ce que cette mutation a fini par m’apporter, ce sont des problèmes et beaucoup de solitude. Je ne suis pas un monstre miss Sanders, mais j’aimerais que ça reste entre nous, s’il vous plaît.

Des problèmes ? Mais vous allez en avoir encore un sacré lot ! Et en ce qui concerne la solitude, attendez de voir ce que je vous réserve. Je termine enfin le bandage, me redressant et replaçant ma robe correctement, je viens retrouver son regard, posant une main sur sa joue.

-Je crois en vous et peu importe ce que vous direz sur vous, le regard que je vous porte ne changera pas.

Vous êtes une abomination qui ne devrait pas exister, vous menacez notre existence à tous et je me dois de vous garder à l’œil. Servez votre société, permettez-moi de vous étudier afin de trouver une solution pour nous garder en vie, humains. Je lui fais un doux sourire, lui tendant sa robe pour qu’elle la remette maintenant que le bandage est fait.

-Vous pouvez compter sur moi, votre secret est bien gardé. Vous êtes loin d’être un « monstre », vous êtes-vous, une magnifique jeune femme avec qui j’aime passer du temps.

Le concert ne va pas tarder à reprendre, je commence à ranger le reste du matériel dans la trousse de secours, attendant que la blondinette se rhabille pour retourner dans la salle de jazz. Encore un peu de patience, vous allez servir mes intérêts mademoiselle Langley, je peux vous le garantir.

Mes gestes et mes paroles ont l’air de rassurer la jeune femme. Mon jeu d’acteur est à la perfection, elle s’attache encore un peu plus à moi et cette amitié naissante entre nous va servir mes intérêts.

- Hier soir, j’étais en garde à vue, c’est un policier qui m’a fait ça.

Tiens donc, je ne m’y attendais pas du tout. Je savais pour son attitude à recevoir les coups au NEST, à chercher ses camarades ou même les enseignants avec des phrases énervantes dont elle seule a le secret, mais de là à aller en prison… Elle détourne le regard. Est-ce de la honte ? Ou de la colère ? Peut-être un mélange des deux ?

- J’étais dans une galerie et tout d’un coup, ils ont enfoncé la porte, nous ont tous arrêtés et frappaient tous ceux qui osaient ouvrir la bouche. Enfin, je ne vous fais pas un dessin, vous me connaissez. 

Si les flics ont débarqué, j’imagine que cette « galerie » était loin d’être légale. J’ai entendu parlé de ce genre d’endroit rassemblant toutes la racailles de Central Point. Si elle a échappé à l’autorité, c’est seulement à cause de cette puce, n’est-ce pas ? Un cloporte comme elle ne devrait pas s’en sortir indemne de cette histoire. Il faut vraiment faire quelque chose contre cette citoyenneté qu’elle a volée.

-Je vois d’où vient cet énorme hématome…

Je lâche un soupire de soulagement avant de la prendre dans mes bras. Quelle horreur de devoir serrer dans mes bras une telle abomination.

-Le principal, c’est ce que vous vous en êtes sorti en un seul morceau. Rien de bien étonnant pour une dure à cuire comme vous.

Après quelques secondes, je relâche mon étreinte, lui faisant un joli sourire.

-S’il vous arrive de nouveau ce genre de problème, n’hésitez pas à me contacter. Les amis sont faits pour cela après tout.

Que sont devenus les autres ? Elle ne devait pas être seule dans cette galerie. Je me demande si ce chien galeux a été impliqué de près ou de loin à cette histoire. Après tout je lui ai laissé garder généreusement son statut de flic et ce genre d’évènement se passe généralement dans la bordure.

-Vous n’étiez pas seule hier, n’est-ce pas ? Vous aviez des amis avec vous ? Ont-ils besoin d’aide ?

Elle m’en dira peut-être plus sur cette histoire. Je dois dire que c’est un sujet assez intéressant, surtout si monsieur Nelvas a joué un rôle. Je devrais peut-être le contacter pour avoir sa vision des faits ? Je m’emballe un peu trop pour une simple altercation.

- Je ne connaissais pas spécialement les autres personnes, et depuis qu’ils m’ont jeté dans cette cellule je n’ai plus vu personne. 

Quel dommage, j’aurai pu emmener quelques turnes à la FATE pourtant. Négocier leur sortie de prison pour aller simple à la fondation, c’est assez pratique comme accord. Je vais devoir rester patiente encore un peu. Elle semble encore en colère vis-à-vis de cette histoire. Quelle idée d’aller danser avec l’illégalité ?

- Enfin, c’est très gentil de votre par miss Sanders, mais de toute façon je ne crois pas que ces gens là seraient capables d’accepter votre aide. 

Ces gens-là ? J’ai envie de rire à ses mots mais je me retiens, je suis « très gentille » après tout.

- Je crois que le concert va bientôt reprendre, c’est peut-être mieux que de parler de tout ça ? 

Elle ne m’en dira donc pas plus sur cette affaire. Très bien, nous n’avons plus rien à faire dans ces lieux. Je lui fais un grand sourire avant de lui dire, enjouée.

-Effectivement, allons-y !


Le concert venait de se terminer et la foule se dirigeait tout droit vers la sortie. Nous suivons le rythme donné par les premiers en tête, retrouvons enfin l’air libre. Ce concert était fantastique, une joie immense se lit sur mon visage. Ce genre d’évènement a le don de me mettre pleins d’étoiles dans les yeux, j’ai l’impression de retomber en enfance, quand tout parait tellement palpitant. C’est une sensation très étrange mais dont j’aime me sentir envahir. Fixant dans les yeux la jeune femme qui m’accompagne, je lui dis d’un ton enthousiaste.

-Ce concert était fantastique ! Merci beaucoup de m’avoir accompagnée, cette soirée était magique !

On dirait presque que j’ai oublié le fait que cette petite blonde soit une de ces aberrations génétiques. Non c’est faux, mais je dois dire que toute la magie et l’imaginaire qu’ont dégagé ces suites de notes musicales, ne me permettent plus de penser correctement.

-Je vous ramène chez vous ? Ma voiture est garée un peu plus loin.

Chez vous, à la FATE ? Non Lexy, ne recommence pas, voyons. Je fredonne un air de jazz sans m'en rendre vraiment compte. Je pense avoir la musique en tête pendant un moment.

Ce concert, elle l’a apprécié, et cela se lit parfaitement sur son visage. Son sourire appuie ce fait malgré la fatigue qui semble envahir son corps. Rien d’étonnant après ce qu’elle m’a révélée de sa dernière soirée. Ce n’est pas très joli de trainer dans des affaires illégales petit cloporte.

- C’est moi qui vous remercie, je n’avais jamais passé une soirée comme celle-ci avant. J’habite encore au NEST vous savez, alors si ce n’est pas trop loin pour vous.. je ne dis pas non.

Je réponds à son sourire par la douceur du mien, cependant un soupire me fait m’interroger sur les pensées qu’elle peut avoir. Que vous arrive-t-il mademoiselle Langley ? Est-ce si terrible que cela pour un parasite de votre acabit d’habiter au NEST ? Ou autre chose vous tracasse ?

-Vous semblez épuisée, ne vous inquiétez pas, vous retrouverez bientôt votre lit.

Je dépose une main sur son épaule avant de lui faire signe de me suivre jusqu’au parking privée. Ce qui est pratique lors d’une sortie de concert, c’est que la foule est tellement dense que les paparazzis ne peuvent m’apercevoir à l’intérieur. Je laisse mes pas déambuler dans cette masse de corps, attrapant la main de l’étudiante pour éviter qu’elle ne se perde parmi eux. Une fois dégagées de l’attroupement, j’accélère un peu plus le pas jusqu’à la voiture de luxe, invitant la blondinette à y entrer sans plus tarder. Les portes fermées, je fais gronder le moteur, dirigeant le véhicule jusqu’au NEST. Je laisse échapper un soupir de soulagement. Très bien, les vautours n’ont pas eu le temps de nous suivre.

-Excusez moi pour cette marche rapide improvisée mais j’ai une sainte horreur des journalistes.

Un petit rire sort d’entre mes lèvres. J’ai vécu toute ma vie sous les feux des projecteurs avec le nom que je porte, et pourtant, j’ai toujours un mal fou à tolérer ces vautours. Toujours à cracher leur venin, à arranger ce qu’ils voient à leur sauce afin de mettre les gens dans une situation compliquée mais qui leur rapportera des millions. Je trouve que c’est typiquement le genre de personne contraire à nous autres, scientifiques. Alors que nous recherchons constamment la vérité à travers nos expériences, eux, divulguent le mensonge avec des preuves infondées.

-Les Fiveplay n’avaient pas le temps de vous rencontrer ce soir, mais je pourrai arranger cela un autre moment, si vous le désirez.

Je lui fais un joli sourire, faisant tout de même attention à la route. Cette voiture est extrêmement rapide mais évitons une contravention inutile. Je commence à ressentir l’effet de la fatigue de la journée, seulement, je dois aller faire un tour à la FATE ce soir, une expérience est en cours, et je ne veux rater cela pour rien au monde. Je ne peux pas me le permettre, le temps est compté. J’attrape mon paquet de cigarette qui attendait sagement sur la portière, ouvrant la fenêtre pour éviter d’enfumer l’étudiante, je finis par m’en allumer une.

-Vous n’avez pas prévu de voir mademoiselle Drambolt ce soir ?

Nous avons une quinzaine de minutes avant d’arriver à destination. Pourquoi ne pas occuper ce lapse de temps avec sa petite histoire d’amour ? Devrais-je me mêler de cette affaire ? Pourquoi ne pas lui révéler des informations que même C-01456, ignore ? Un sourire sadique m’anime intérieurement.

Je la regarde du coin de l’œil, elle semble amusée suite à ma question. Cette relation qu’elle entretient avec C-01456 va m’être profitable, je n’en doute plus.

- Je crois que Kelya travaille ce soir, et puis comme je vous l’ai dit, on a une relation un peu particulière.

Peu importe, cette relation reste un lien de dépendance, ce qui finira par servir mes intérêts. Est-ce que C-01456 lui a parlé de son séjour à la FATE ? Je ne pense pas, sinon ce cloporte m’aurait questionné sur mon implication à la fondation. Je n’ai jamais pu cacher mon appartenance à la FATE, les médias sont toujours derrière les gens influents, et les Sanders ne font pas exception. Le NEST connaissait d’ailleurs mon métier et pourtant, ils sont persuadés que j’œuvre pour le bien des turnes, ce qui n’est pas totalement faux. La blondinette ne sourit et je l’imite dans ce geste.

- Et quand ce ne sera pas elle, ce sera moi, enfin vous voyez le genre de situation dans laquelle nous sommes. 

Elle m’avait parlé de son travail dans un magasin de musique à l’infirmerie, je m’en souviens. C-01456 travaille au New Earth, elle, les horaires ne doivent pas vraiment concorder j’imagine. Comment suis-je au courant pour l’ancien cobaye de la FATE ? La fondation l’a toujours à l’œil, voyons, elle n’a jamais cessé d’être une expérience.

-Je vois, en tout cas, vous semblez tenir à elle.

Je lui fais un doux sourire. Je ne peux pas encore lui dévoiler des informations, elle doit d’abord entendre l’histoire de C-01456, cela ne servirait à rien que je brusque les choses. Encore une fois, je dois me contenter d’attendre, la patience est d’or.

-Je n’ai pas eu le plaisir de la rencontrer, malgré toutes les histoires de bagarre que j’ai entendu à son sujet, elle semble fuir l’infirmerie comme la peste.

Je recrache ma fumée lentement par la fenêtre. Pourquoi déteste-t-elle autant l’infirmerie ? Même mademoiselle Langley qui est une tête brûlée sait faire l’effort de venir se faire soigner là-bas. C’est la blouse, n’est-ce pas ? Ma mère m’a fait part de son histoire, c’était ma tante qui s’occupait de son cas après tout.

Elle rigole ? Qu’est-ce que cela signifie ? Encore des souvenirs qui lui reviennent en tête ?

- Elle est unique en son genre, c’est certain. On peut dire qu’elle ne fait pas vraiment confiance à tout ce qui est blouses blanches, et-cætera. 

Quoi ? Alors elle est au courant du passé de C-01456 ? Non, impossible, sinon elle ne serait pas là à discuter avec moi, si ? Je dois bien avouer que tout cela me laisse perplexe, je ne sais strictement rien des échanges qu’elle a pu avoir avec l’ancien cobaye et c’est assez problématique. Je dois en savoir davantage mais ce n’est pas encore le bon moment, il faudrait que je trouve le timing parfait pour cela.

- Vous pouvez me déposer ici si vous souhaitez, je ne suis plus très loin je pourrai faire le reste à pieds. 

Elle me sourit à nouveau, sourire que je lui rends, bien évidemment. Soit, la soirée avec le cloporte s’achève ici, mais ce n’est que le début d’un plan que je dois retravailler pour qu’il atteigne la perfection. J’actionne le clignotant, stoppant alors la voiture sur le côté de la route.

-Très bien.

Je termine ma cigarette calmement, observant l’étudiante descendre du véhicule. Je lui lâche une dernière phrase, toujours le sourire aux lèvres.

-Passez une excellente nuit mademoiselle, à très bientôt.

Sa silhouette finit par disparaitre de mon champ de vision, mon sourire se transforme pour laisser place à la mesquinerie sur mon visage. Une lueur sadique émane de mes yeux alors que j’écrase mon mégot dans le cendrier présent dans ma voiture. Profitez bien de votre liberté mademoiselle Langley, tout ceci ne durera pas. Mon nanocom retentit, c’est la FATE, mes collègues doivent m’attendre.

-Préparez la table d’opération, j’arrive.