La thèse de Solveig Langley

25 Avril 2099 - 23h34

Lieu : Laboratoire accessible aux étudiants dans les locaux du FATE.
Contexte : Depuis la matinée, Solveig est présente dans le laboratoire, à finaliser ses recherches sur le gêne "ASK-L".
Un microscope, quelques échantillons, quelques solutions, quelques notes, et tout le matériel nécessaire à pousser ses recherches.
Y compris une chaise et un bureau.

Solveig écarta son visage du microscope, tout en poussant un baïllement et en s'étirant, avant de se mettre à écrire ce qu'elle avait pu constater.
Actuellement, elle travaillait sur la toxine turne, regardant son comportement lorsqu'elle était mise en rapport avec l'O2, l'oxygène.
Et comme ça, il ne se passait rien.

Quiconque pénétrait ces lieux le savaient. Ce qu'elle faisait était un retour aux sources.
Elle avait besoin de repartir de tout ça pour comprendre exactement l'impact du fameux gêne qui occupait sa thèse, le "ASK-L".
Non seulement ce gêne était présent dans chaque turne, mais il semblait que c'était lui qui lançait le processus de création et de renouvellement de la toxine "WIBE".
A moins que quelque chose lui échappait...

Elle n'entendit pas un de ses "collègues", comprendre un autre étudiant, entrer dans la pièce.

"Et beh, encore là ? On t'a enchainé ou quoi ?"

Solveig releva son regard et se tourna dans la direction à l'origine de cette remarque étrangement saugrenue.
Pour être certaine, elle regarda ensuite à ses pieds mais n'y vit pas de chaîne.

- Mais... Il n'y a pas de chaîne. Et puis, ça ne serait pas très pratique de me retrouver attacher de la sorte. Il faudrait que la pièce soit mieux agencée pour optimiser cet attachement. Avec un système d'elasticité, sinon le lien se prendrait dans le mobilier. Et il faudrait l'entretenir ce système, ça ne serait vraiment pas pratique.

Elle avait achevé sa phrase en triturant son stylo entre ses doigts. Loin d'être à l'aise, elle ne comprenait pas ce que son camarade avait voulu dire et il semblait lui jeter un étrange regard.
Ca la stressait.

"Heu... Ok, si tu veux. Bon, bah moi j'me rentre. Bonne nuit !"

- M... Merci. Bonne nuit à toi aussi.

Et voilà, il l'avait interrompu dans son flot de pensées et elle ne savait plus où elle en était.
Un gargouillis se fit entendre.
Origine du son : l'estomac
Cause : le signal pour appeler à l'un des besoins primaires des êtres vivants, soit manger, ce qu'elle n'avait pas fait depuis... Depuis quand ?
Conséquence : devoir se lever et aller chercher à manger.

Solveig poussa un soupir tout en se levant. Si même son estomac s'y mettait... Elle n'avait plus le choix.
Elle jeta un regard en direction de l'horloge : 23h45.

- Oh non ! Ronron ne va pas être content !

Elle se mit alors à ranger les affaires, dans les armoires adéquates et dans son sac.
Ceci fait, il était 23h55.

- Il faut que je me dépêche. Désolée Ronron, j'arrive.

Puis elle sortit du laboratoire, non sans avoir vérifié, une dernière fois, qu'elle avait bien tout.

Parmi les livres et les manuels qui ornaient les étagères, entre les différents outils de mesure et d'analyse, Solveig était, en bonne doctorante, abonnée à un certain nombre de revues scientifiques. Dans l'une d'elles, quand elle reviendrait de son repas, elle pouvait se souvenir avoir lu quelque chose à propos du gène HED-1. Il faudrait qu'elle retrouve dans quel numéro, mais c'était un auteur du nom de Sora Akai qui avait écrit, dans un article assez détaillé sur la greffe oculaire.

Personne ne sait exactement qui est cette personne mais l'article avait fait grand bruit, par sa justesse et la possibilité très grande qu'il aie visé juste.

Sora Akai a écrit:

Le docteur Suchong est le premier à avoir compris que le seul point commun entre toutes les mutations, c'est la modification oculaire. D'ailleurs, on remarque au cours de toute évolution que c'est un trait qui n'affecte que les prédateurs, souvent les nocturnes. Ici, les mutations ont pour but de faire de nous des prédateurs sur une planète encore trop hostile. Il suffit de voir l'extérieur du dôme pour comprendre qui sont les "proies". Bref, C'est la souche ADN commune à toutes les mutations, donc. Suchong a alors évoqué la possibilité que ça serait l'oeil qui est à l'origine de la mutation, plutôt que l'inverse... C'est comme ça que sont nés ses travaux de greffe oculaire ; remplacer des yeux mutants par des yeux non mutants. Sauf que, comme vous le savez sûrement, toutes les greffes ont échoué, rejet systématique.

Ensuite, on a le docteur Tenenbaum qui intervient. Elle, elle avait le même projet de greffe oculaire, mais uniquement pour permettre aux turnes de vivre sans avoir à se cacher des xénophobes. Différentes raisons, même projet. Mais elle ne cherchait pas à favoriser le système nerveux de l'oeil greffé, au détriment du système nerveux du receveur. Elle ne cherchait pas à supprimer l'éventuelle source de la mutation. Sauf que du coup, le rejet de greffe s'opère aussi, mais initié par le receveur, pas par l’œil. Et résultat, lymphomes intraoculaires, voire oculo-cérébraux, mélanomes de la choroïde... Bref, un tas de complications.

Là ou ils se sont plantés, c'est que comme ils avaient des buts complètement différents ils avaient même pas envisagé de bosser ensemble. S'ils l'avaient fait, ils auraient rapidement trouvé le facteur commun des deux rejets; à chaque fois, c'est le nerf oculaire qui coince. Soit le côté qui vient de l’œil, soit celui qui vient du cerveau. C'était plutôt simple à deviner, juste en utilisant comme échantillon témoin les différentes démonstrations des deux docteurs parues dans certains magazines. en traitant les données, on s'aperçoit vite des statistiques communes aux deux côtés. Bon, une greffe lamellaire suffirait à résoudre le problème du docteur Tennenbaum, mais dans le cas du docteur Suchong, ça prouve que les mutations ne viennent pas de l'oeil, mais du cerveau. D'ailleurs, la grande majorité des mutations sont de simples augmentations des taux de phéromones produits par le cerveau, augmentant les sens, les sensations... Pour retirer ça à un turne, il faudrait endommager son cerveau. Ça serait comme vouloir retirer le sens de la parole uniquement, à un être humain. Faisable sur le papier, mais tellement de dégâts qu'il n'y a plus aucun intérêt.

Et si les mutations viennent du cerveau, il y a fort à parier qu'il y ait une seule souche commune, un seul gène mutant qui au lieu d'affecter chaque partie du corps de chaque mutation possible et existante, pousse en fait le cerveau à faire évoluer le corps dans une direction donnée, en fonction du reste du génome. Ce gène, le HED-1 comme l'a nommé Tenenbaum (pour Humanity Exit Door), serait le seul dénominateur commun entre tous les turnes, mais du coup, ce serait également la seule différence au niveau du génome avec les Humains pré-évolués.

Des libertés énormes prises dans la démonstration, mais tout était noté et sourcé, malgré un langage un peu cavalier. Notamment avec cette appellation de "pré-évolués". Des mesures avaient été tentées pour empêcher Sora de continuer à écrire, mais il avait continué dans d'autres magazines, et au final, la justesse de ses raisonnements était trop importante pour être tue dans la communauté scientifique.

Ici, il avait posé les bases de l'existence du fameux gène, découvert lorsque l'être humain a voulu "cacher son erreur", remplaçant les yeux des mutants par des yeux "normaux". Mais l'auteur semblait catégorique sur le fait qu'aucun autre gène ne différait d'avec les humains...
Donc, pour la thèse de Solveig, il était forcément à l'origine de la synthèse de la toxine WIBE, découverte après les travaux des docteurs Suchong et Tenenbaum.

26 Avril 2099 - 01h12

Lieu : Laboratoire accessible aux étudiants dans les locaux du FATE.
Contexte : Solveig de retour au laboratoire.

Etait-ce l'impatience frénétique de Solveig qui la ramenait ici, une fois son besoin primaire, et celui de son chat, assouvi ?
Ou peut-être la mini-dispute avec son copain, qu'elle n'avait pas envie de subir, encore une fois.
Il avait eu des mots durs, plus que d'habitude.
Ca angoissait Solveig, qui avait eu du mal à retenir ses larmes, là-bas, sur le chemin, ou ici.
Heureusement, elle n'avait pas croisé grand-monde. Dans son état, quelqu'un qui l'approche pour lui demander si ça allait, ça l'aurait fait courir comme une folle pour échapper à la curiosité, malsaine certainement, de ces personnes.
La meilleure façon de décompresser était donc de se plonger dans son doctorat. Paradoxallement, ce n'était pas ce qui allait arranger son histoire avec son copain.

Elle ralluma donc le laboratoire et s'installa à nouveau.
Elle avait, au passage, attrapé quelques revues. Rien de mieux que de se plonger dans un condensé d'informations observé, analysé et synthétisé afin d'être transmis au grand public, pour faire évoluer la science, les connaissances et donc les mentalités.

Elle posa tout son bric-à-brac sur une table, tandis que son nanocom se mettait à vibrer.
Elle regarda rapidement l'écran et vit que l'expéditeur était son petit ami.
Un instant de stupeur. Encore des méchancetés ? Elle le posa à côté, elle lirait plus tard.
Si c'était aussi important, il n'avait qu'à venir.
S'il ne comprenait pas que la science, c'était sa vie... Ca n'allait pas simplifier l'équation.

Tout était en train de doucement s'allumer, mais Solveig trouva, inconsciemment ou non, refuge dans les magasines, assise dans un coin de la pièce, à même le sol.

Si quelqu'un passait par là, pour sûr qu'il pesterait quant à l'utilisation inutile de l'énergie alors qu'il n'y avait plus rien.
Mais ça, elle ne s'en préoccupa pas le moins du monde, déjà absorbée par sa lecture d'une certaine "Sora Akai".

26 Avril 2099 - 01h36

Lieu : Laboratoire accessible aux étudiants dans les locaux du FATE.
Contexte : Solveig lit un magasine.

Solveig venait d'achever la lecture de l'article.
Et ça n'allait pas du tout.

- Quelle idiote je suis ! J'ai perdu des mois pour arriver à même pas 1/10 de cette réponse !

Solveig poussa un énorme soupir.
Outre la déception de ne pas arriver à ces conclusions, il y avait l'aspect sous-jacent de cet article qui était triste.
Si la mutation était une réponse de la vie face au cataclysme, alors l'humanité non mutante était vouée à disparaître.
Les "pré-évolués", comme mentionnés dans l'article, n'ayant pas ce gêne étaient voués à disparaître.
La science devait bien pouvoir faire quelque chose, non ?

Elle se redressa et alla à l'ordinateur.
Au passage, elle barra l'appellation "ASK-L" sur sa thèse pour la renommer en "HED-1".

- Une bonne chose de faite, reprenons sur de bonnes bases.

Elle passa les heures suivantes à rechercher les expérimentations des docteurs mentionnées dans l'article.
Après recoupage des informations, elle en vint à la même théorie que l'éminent "Sora Akai".

Elle jeta un regard à l'horloge : 4h45.
Il était tôt... Ou tard, question de perspective, mais cela ne l'arrêta nullement.
Elle devait contacter ce M. Sora Akai et lui poser des questions. Peut-être que de cette rencontre naîtra une issue.

Elle retourna chercher le magasine, cherchant l'adresse pour envoyer un message.
Trouvée, elle ouvrit sa messagerie et entama l'écriture.

Solveg Langley a écrit:

" Chère équipe de "Developmental Cell",

Je me présente, je suis Solveig Langley, âgée de 24 ans.
Je travaille actuellement sur ma thèse, afin de devenir doctorante dans la recherche biocellulaire.
Au cours de mes lectures de votre magasine, je suis tombé sur un article de M. Sora Akai. Ces recherches rejoignant les miennes, j'aimerai le rencontrer afin d'échanger avec lui.
En effet, son avis et ses recherches seraient fondamentales pour ma thèse, en plus de poursuivre les recherches sur nos amis les turnes.
Serait-il possible d'être mis en contact avec lui par vos soins ?

En vous remerciant par avance,

Signé : Solveig Langley"

Elle appuya sur la touche "Envoyer", plus qu'à attendre maintenant.

La fatigue lui vint, sans crier gare.
Solveig décida de rentrer se coucher, la journée de demain allait être longue.
Intérieurement, elle espérait avoir une réponse positive à son message.
Il lui tardait de rencontrer le fameux "Sora Akai".

Cela avait pris plusieurs heures, on pouvait même dire plus d'un jour, à Solveig pour préparer son "message" à l'égard de l'éminant "Sora Akai".

Solveig avait, à tort peut-être, décidé de faire naître un quelconque intérêt de la part de son interlocuteur non pas par le fond de son discours mais de la forme.
Au vu de ses lectures, elle avait bien compris qu'il était quelqu'un de doué dans ce domaine. Solveig avait besoin de lui pour travailler sur le gêne "HED-1", gêne qu'il connaissait certainement mieux qu'elle.
Il n'y avait donc eu qu'une seule solution, montrer où elle en était, comment elle en était arrivée là et qui elle était.

Son "message" était un fichier crypté, par ses soins.
Solveig n'était pas une experte en informatique, loin de là, mais elle avait appris "quelques trucs".
Le cryptage n'était pas d'un haut niveau, comparé à des experts, mais le but n'était pas d'assurer une confidentialité à toute épreuve, simplement de proposer un "jeu", qui attirerait l'attention.

Message de Solveig a écrit:

"Bonjour Monsieur Sora Akai,
Je me nomme Solveig Langley et j'étudie actuellement la génétique.
J'aimerai vous rencontrer."

Un quadrillage ferait alors son apparition, avec plusieurs points bleus dessus.
Au-dessus du quadrillage, un compteur : 7ee
En bas, un bouton "Exécuter".

Dès le lancement du programme, plusieurs cases deviendront bleues et évolueront au fur et à mesure.

7ef
7f0
7f1
7f2
7f3
7f4
7f5
...
7fc

La simulation s'arrête quelques secondes... La surface est majoritairement bleutée, avec quelques points blancs.
Au centre... Un point noir.

Le compteur redémarre.

7fc
...
802

Tout au long du défilement du compteur, les points bleus évolueront et les points noirs seront de plus en plus nombreux...

80c
...
816

Au fur et à mesure que le compteur tourne, les points se regrouperont par couleur

825
...

Le compteur s'arrête, affichant la valeur : "833"

Chaque couleur occupe maintenant une partie du quadrillage. Il n'y a pas de mélange, donnant l'impression que les deux "camps" se font face.

Deux boutons s'affichent, un bleu et un noir...

Si Sora Akai clique sur le bouton noir, alors on pouvait voir, au fur et à mesure, les points bleus disparaitre puis des points noirs prendre leur place.
Le compteur, arrêtée en "FFF", montrait maintenant un quadrillage homogène.

Si Sora Akai clique sur le bouton noir, alors c'était les points noirs qui changeaient.
Ils disparaissaient du quadrillage, pour être remplacé par des points rouges, puis blanc et enfin devenir bleu.

"Solution ?"

Un "_" clignote à l'écran, attendant une réponse.

Si Sora Akai tente de rentrer une lettre, le logiciel marque une erreur.
Si Sora Akai tente de saisir un nombre, alors un "-" apparaît et le "_" clignote juste derrière.

En faisant des tests, Sora Akai pourra voir que le programme attend trois chiffes, séparés par des "-"

En trouvant la bonne réponse, des fichiers apparaitront.
Du texte, des images, tout un tas de recherche sur le "HED-1", mais tous les documents diffèrent des documents habituels.
Preuve que Solveig en est arrivé là par son propre cheminement.

- J'aimerai vous rencontrer, j'ai besoin de vous.

Skye était à l'appartement, en train de terminer un "devoir" de maths. Disons, une bête récitation de formules pré-écrites et préétablies, à utiliser pour venir à bout de problèmes inventés pour donner un sens à cet apprentissage par coeur. Le bonnet et les écouteurs sur la tête, elle suivait en même temps deux fils d'actualités sur son nanocom, et rédigeait sur son ordinateur un article pour "L'actualité chimique", la revue mensuelle la plus cotée sur cette matière. Il était question d'une modification de l'ordre des étapes dans la manière de transformer une certaine molécule.

C'est à ce moment qu'elle reçut l'alerte mail. D'une certaine Solveig Langley... Au départ, elle a probablement cru à un canular d'Heidi. Mais, non, rien de tout ça n'était de son niveau. Sans doute une homonyme. Ç’avait été transféré par une des revues pour lesquelle "Sora Akai" écrivait. Le fichier était crypté, et il fallait pour l'ouvrir exécuter le programme qui l'accompagnait.

Étrange... Ce n'était pas la façon de faire habituelle de ces gens-là. Ils étaient plutôt du type à se perdre en ronds de jambe et en formules de politesse aussi grasses que peu naturelles. Là, on avait une étudiante en génétique... Et rien d'autre. Puis, le programme.

Un quadrillage blanc, avec quelques points bleus et une inscription en haut : "7ee".
Un seul bouton, exécuter. Elle reconnut rapidement, aux mouvement des points dans les cellules du tableau, une version du Jeu de la Vie, ce programme d'automate cellulaire avec des règles très simples sensé représenter l'évolution d'organismes mus par des règles simples, étape par étape, par "génération". D'ailleurs, le fameux "7ee" évoluait : 7ef, 7f0... De l'hexadécimal. En décimal, on obtient 2031. Une date? Probablement.

La différence était là : les règles étaient plus compliquées ici. Chaque étape, chaque "année", les points bleus se multipliaient, se reproduisaient, à un rythme constant. Jusqu'à, un peu plus de dix ans plus tard, se retrouver en surnombre, presque sans espace vide.
Et en 7fc, soit en 2044... Un point noir. L'année des premiers Turnes. Le programme reprend et on peut voir les turnes s'étaler comme une tache d'encre se diluant dans l'humanité, augmentant en surface, recouvrant le bleu...

Jusqu'en 833. Cette année, en décimal. Le compteur s'arrête. Les points bleus et blancs, les Humains et les Turnes, se faisaient face, comme impossible à mélanger. L'eau et l'huile. Un résultat normal si l'une des règles est qu'une des couleurs tend à s'éloigner de l'autre.

Deux boutons s'affichent, un bleu et un noir... Un choix. Solveig Langley demandait à Skye, enfin, à Sora, de choisir à qui donner l'avantage. Humains? Ou Turnes? Un choix orienté puisqu'il ne permet que deux solutions. Donner l'avantage aux uns, ou aux autres...


Un underscore clignotant attend la réponse de Skye. Apparemment, une réponse à trois lettres. Ou trois chiffres, au vu de l'erreur affichée quand Skye essaya de taper "G-O-D" par pur esprit de cynisme. Une solution? Solveig est étudiante en génétique. Trois lettres, grandes chances d'acronyme. Un gène? Vu le thème du programme, "H-E-D" paraît tout indiqué, mais... Pas de lettres...

Puis, elle réalisa que le "puzzle" avait réussi à occuper son cerveau, parce qu'il avait de nombreux niveaux de lecture. Ces différentes strates de camouflage de l'information tissaient une toile dans laquelle une pensée mal organisée aurait tôt fait de s'empêtrer. Il y avait le Jeu de la Vie, les couleurs, les boutons, les deux réponses, les trois chiffres... Trois chiffres? Il y avait autre part où trois chiffres étaient présents. Le compteur... De l'hexadécimal! Un encodage simple permettait de traduire "HED" par l'équivalent en place dans l'alphabet :


L'accès au dossier se débloque. Une multitude de coupures et d'articles, de fiches de résultats et de recherches... Sur le HED-1. Sûrement un sujet de thèse, au vu du caractère peu protocolaire de l'ensemble. Le souci de la mise en scène de l'étudiante en génétique avait plu à Sora, seulement Skye ne pouvait pas facilement rencontrer son interlocutrice. Cela reviendrait à griller sa couverture dans le monde scientifique... Pour le moment, son interlocutrice se contentera d'un mail.

Sora Akai a écrit:

Merci de votre intérêt. J'ai apprécié votre petit mystère. Vous semblez souhaiter me rencontrer pour une raison précise, mais les raisons que j'ai de protéger mon identité nous obligeront à échanger par messages dans un premier temps.

Sora Akai

Solveig s'était littéralement endormie sur son ordinateur.
L'excitation, la construction et la transmission de cette "bouteille à la mer" en direction de Sora Akai avait vidé toute son énergie.
Le fait qu'elle ait passé plus d'une journée, sans dormir, à préparer tout ceci jouait également dans la balance.

Elle avait dû s'isoler, d'ailleurs, son compagnon cherchant à la déconcentrer en lui proposant d'aller boire des verres avec des amis. Solveig n'aimait pas ce genre de sortie.
Sauf pour rencontrer un éminent scientifique.

Un bip provenant de son ordinateur la réveilla, assez fort pour la réveiller.
Le temps que son ouïe perçoit le son, que le signal soit envoyé au cerveau, que ce dernier analyse et reconnaisse l'origine puis qu'il ordonne au corps de se réveiller, il se passa plusieurs secondes. Ce qui lui fît louper la notification de l'expéditeur.
Et c'est une Solveig toute bougonneuse qui se redressa en baîllant et en mettant ses lunettes.

Un e-mail ? La réponse de... Non, elle s'emballait.
Elle regarda l'heure, il était 18h30. Cela ne faisait même pas 30 minutes qu'elle avait envoyé le message.
Curieuse, elle ouvrit sa boite mail toujours en baîllant.

Sa mâchoire se figea en voyant l'expéditeur, c'était bien Sora Akai... Il avait déjà répondu.
En voyant sa réponse, son visage s'illumina. Ce n'était pas parfait comme elle aurait aimé, à savoir le rencontrer en chair et en os, mais c'était un bon début.
Les efforts avaient payé.

Frénétiquement, Solveig se mit à taper sur le clavier.

Solveig Langley a écrit:

J'apprécie le fait que vous ayez apprécié.
J'apprécie encore plus le fait d'avoir une réponse.

Je dois avouer être déçue de ne pas pouvoir vous rencontrer en chair et en os.
Mais je comprends votre envie d'anonymat.

J'aimerai que nous discutions du gêne "HED-1", celui à l'origine de la mutation.
Etudiante au FATE, l'intégralité de ma thèse est fondée sur ce gêne mais peu en parle.

Je ne comprends pas ce silence de la part du corpus scientifique, et vous êtes la seule personne à en parler.

Plusieurs matières grises sur le sujet me semble nécessaire.
On pourrait trouver la solution.

Cordialement,

Solveig Langley.

Elle appuya sur le bouton "Envoyer".
Le message était plus "pauvre" mais Solveig voulait y aller doucement et présenter les choses point par point.

La volonté de garder l'anonymat était compréhensible mais cela ne l'arrangeait pas.
Peut-être un autre moyen que de simples messages ?

Sans chercher à se rendormir, elle s'attela à la création d'un tunnel informatique sécurisée pour pouvoir converser.
Celui-ci mit en place, elle proposera à Sora de l'y rejoindre.

Un second mail. Un renouvellement de la demande de rencontre. Elle n'avait pas tort, après tout, si on ne se rencontrait pas et qu'on se contentait d'échanger de cette façon, il n'en ressortirait rien de très fructueux... Ça pourrait même ralentir le processus.

Mais, avoir une "alliée" qui appartienne au côté "lumineux" de la société, et qui aie accès à beaucoup plus d'infrastructures, de matériaux, de documents, c'était loin d'être inintéressant... Enfin, il faudrait déjà voir ce que donnerait cette histoire de contrat dont Lexy m'a parlé. Devrais-je la faire rejoindre ce petit groupe ou bien continuer en parallèle? C'est probablement la meilleure solution. Je pourrai recouper les informations et déterminer si il y a des différences d'un côté comme de l'autre...

Bon. Je vais lui répondre en restant franche. De toutes façons, elle comprendra vite que je ne suis pas ... vraiment, affiliée à la FATE.

Sora Akai a écrit:

La valeur d'une personne se reflète souvent dans ce qu'elle fait de ses capacités.
Si un cerveau tel que le vôtre parvient à ne pas être étouffé par les sponsors et autres lignes de conduite de la FATE, peut-être qu'une rencontre pourrait être envisageable... Un jour.

Au sujet du HED-1.
Je serai fort étonné si personne de plus haut placé que vous et moi ne vienne vous intimer l'ordre d'arrêter vos recherches à ce sujet. Il est impossible que personne d'autre ne s'y penche, j'ai donc mes raisons de penser que la fondation recrute les chercheurs disponibles et/ou intéressés pour créer une cellule de recherche dédiée, celle-ci étant du coup orientée par lesdits sponsors, et cela expliquant également le peu d'information qui filtrent.

Scientifiquement,

Sora Akai.

Une fin un peu pompeuse, mais j'ai du mal à me dire que quelqu'un ignorant la mainmise du gouvernement sur la FATE puisse faire long feu entre leurs murs.

De plus, quelle serait sa réaction en découvrant la vraie personne derrière ce nom? L'échange pourrait très bien s'arrêter là, et s'ensuivre des répercussions sur ma vie privée... Non, autant que tout reste privé jusqu'à ce que cette étudiante soit aussi mouillée que moi dans cette affaire.

Je me demande à quoi elle ressemble.

Tout en lisant la réponse de Sora Akai, une boule se formait dans le ventre de Solveig, sans qu'elle ne sache pourquoi. Sans qu'elle en ait vraiment conscience non plus.

Des "sponsors" ? Qu'entendait-il par là ?
Malheureusement, elle ne voyait pas du tout de quoi il parlait. Elle s'intéressait très peu à la vie "politique" du F.A.T.E. Elle était simplement axée et concentrée sur sa thèse et sur rien d'autres.
Comment et pourquoi des sponsors chercheraient à "étouffer" un cerveau ?

Réfléchis Solveig... Elle avait bien conscience de la problématique que soulevait les turnes, mais il lui semblait improbable que des gens cherchent à entraver les recherches qui pourraient résoudre ce problème.
Et puis, on savait sur quoi elle travaillait et personne n'était venue l'arrêter.
... Non... Son sujet de thèse était sur l'ASK-L... Nom provisoire qu'elle avait donné.

Avoir une réaction... Ce serait "simple", non ?

Elle décida d'écrire à mail à son maître de thèse.

Solveig Langley a écrit:

Bonjour Monsieur Dupont,

En travaillant sur ma thèse, je me suis rendu compte d'une erreur.
Il existe une autre nomination au gêne "ASK-L" dont nous avions convenu ensemble. Il s'agit du gêne "HED-1".
Par conséquent, et après validation de votre part, j'aimerai renommer ma thèse de la façon suivante : "De la nécessité du gêne HED-1 et son influence sur le développement post-embryonnaire turne".

En vous remerciant par avance,

Solveig Langley.

Elle appuya sur la touche d'envoi...
On verra bien les hypothétiques réactions.

En attendant, elle continue de préparer l'espace sécurisé pour converser avec Sora.
Un tout petit espace, créé sur le "Dark Net". Les autorités pouvaient difficilement pister quoi que ce soit de ce côté-là.
Ce n'était pas spécialement dans les habitudes de Solveig, mais si son interlocuteur désirait conserver son anonymat, il fallait bien trouver un équilibre entre discuter, avancer et rester discret.
Et puis ça faisait office de bonne foi.

Finalisé, l'espace permettrait de :
- Converser par un tchat sans aucun archivage.
- Echanger des documents.
- Mettre à disposition des documents et pouvoir travailler dessus.

Celui lui prit quelques heures encore.
Une fois finalisé, elle écrivit un message pour Sora.

Solveig Langley a écrit:

Monsieur Sora Akai,

Je vous remercie pour vos réponses et je suis désolé de vous annoncer que tout ce dont vous me parlez m'est... Inconnu.
Personne ne m'a approché pour ma thèse, mais peut-être parce que je n'y mentionne pas le fameux gène.
Etant donné que je faisais fausse route, j'ai demandé à en corriger l'intitulé.
Une réaction devrait se faire voir suite à ce changement.

En attendant, vous trouverez un lien ci-dessous.
Celui-ci permettra d'accéder à un espace sécurisé sur le Dark Net, nous permettant de converser et de travailler, si vous le désirez, tout en gardant votre anonymat complet.
Le tout se fait par tchat interposé. Pas de micro ou de caméra.

Avant que vous décidiez ou non d'accéder à cet espace, je voulais vous avertir que le lien ne s'utilise qu'une fois.
Que cela téléchargera un module compilé par mes soins.
Vous trouverez ci-joint une fiche technique qui détaille tous les tenants et aboutissants de l'installation de ce module.

Si vous préférez attendre une quelconque réaction, nous pouvons.
Dans ce cas, je vous propose de nous donner un délai mais le temps m'est compté. Ceci est néanmoins mon problème et nullement le vôtre, je tenais simplement à vous en informer.

Dans l'attente de vous lire.

Solveig Langley

Elle joigna la fiche technique du module.
En lisant la fiche, on pouvait se rendre compte qu'elle avait été écrite pour le module concerné et rien d'autres.
A l'intérieur, on trouve un paquet d'informations, comme :
- L'emplacement d'installation
- Le registre
- Les protocoles utilisés pour accéder à l'espace.

Mais aussi, un mode d'emploi qui précise :
- La mise à disposition d'un tchat
- La possibilité de partager des documents
- L'absence d'archivage
- Utilisation uniquement textuelle du module (liste des codecs utilisés).

Bref, c'était une fiche technique propre qui permettait à ceux qui touchaient l'informatique, de voir que le module dont elle parlait était clean.

Solveig appuya sur la touche d'envoi.

20h30. Il est déjà si tard...? Bordel, je suis tellement crevée ces derniers temps... Bon, j'attends encore un mail de l'étudiante. Après, je vais dormir... Raah, je déteste mon organisme. C'est comme si je vivais cent fois plus vite que les autres. A force de consommer autant d'énergie, les cellules de mon cerveau vieillissent beaucoup plus vite, et mon temps de sommeil nécessaire est beaucoup plus grand pour pouvoir les régénérer... Ce qui fait de moi une espèce de neuro-narcoleptique en puissance.

Ah... Voilà le mail.

Elle n'a pas l'air d'être au fait des rixe intestines de la FATE... Comme tout centre de recherches, l'argent y est le maître absolu et incontesté. Nulle recherche sans argent, et si le gouvernement subvient à une grande partie, la plupart des entreprises affiliées à la FATE servent de sponsors en finançant lesdites recherches, en échange d'une exclusivité - parfois temporaire - de l'utilisation de leurs découvertes. Par exemple, la Pioneer Corporation a pu exercer le monopole de la création des puces Omni distribuées par le gouvernement, parce que ce sont eux qui ont payé la FATE pendant les recherches à ce sujet. La nanotechnologie en était encore à son éclosion. Et ce fut plus tard la même chose pour les DED, tous créés par Athena Industries.

Vu les enjeux qui découlaient des découvertes éventuelles sur le HED-1, c'étaient non seulement des sommes colossales qui étaient en jeu, mais également une mainmise sur l'utilisation d'un éventuel effet sur les turnes. Autant dire que les grands pontes ne seraient pas forcément ravis de se faire souffler l'affaire sous le nez par une jeune thésarde... Enfin, si tout du moins ils la prenaient au sérieux et ne lui riaient pas au nez. Après tout, des sections complètes de la FATE devaient déjà travailler dessus au moyen de diverses méthodes avancées.

Je trouve que c'est justement en revenant un peu en arrière, et en remettant à plat les choses les plus élémentaires au sujet de ce gène, qu'on découvrira peut-être un autre chemin que ceux employés pour le moment par la FATE, et qui, d'après le temps de travail passé sans résultats, ont l'air d'être des impasses.

Elle en a parlé à son professeur, celui-ci lui répondrait sans doute, au mieux, qu'elle devrait s'en tenir à des faits purs et simples, et au pire, lui conseillera de changer de thème si elle veut obtenir son diplôme. Cruel, mais... Cela dépendrait de la bienveillance et de l'affiliation politique de celui-ci.

Ensuite... Elle a apparemment préparé pour nos conversations un espace dédié sécurisé. Propre. Elle semble vraiment vouloir aller au bout de son idée... C'est plutôt une bonne chose, pour se lancer dans un truc pareil.
...Un peu flippant, aussi. Je garde le lien sous le coude. Je n'ai pas d'ordinateur à moi... Il va falloir que je m'en achète un, je me vois mal faire ça depuis mon nanocom ou depuis les ordinateurs du NEST.

Sora Akai a écrit:

Pas besoin d'attendre une réaction. Je constate que vous êtes bien assez résolue pour tenir tête à d'éventuels détracteurs. Pardon si je vous ai perdue avec mes allégations sur les sponsors, tout ce qu'il y a à retenir, c'est que l'argent est omniprésent dans le monde de la recherche, et que ceux qui le possèdent ont le pouvoir de les diriger. Il nous suffira de ne pas trop attirer l'attention sur nos travaux.

Ce qui signifiera peut-être, suivant les découvertes à venir, de choisir ce qui paraîtra ou non dans votre thèse.

Je vous recontacterai dans quelque jours via le module. Je tâcherai d'être à la hauteur de vos attentes, et j'espère réussir à faire avancer la science en vous aidant à concrétiser votre thèse.

Sora Akai

En lisant la réponse de son maître de thèse, Solveig se trouva devant un sérieux dilemne.

Soit elle continuait ce sur quoi elle travaillait et... Il y aurait peut-être des obstacles. Soit elle passait sur autre chose mais elle abandonnait ce qui lui tenait à coeur.
...

Non, c'était hors de question.

Elle lui répondit, tapant frénétiquement sur le clavier.

Solveig Langley a écrit:

Bonjour Monsieur Dupont,

Je vous remercie de me recontextualiser ce qu'il en est. Après réflexion, j'ai décidé de rester sur ce sujet, malgré les possibles obstacles.

Il me serait déraisonnable de changer maintenant.

Je vous remercie de votre bienveillance et de votre patience à mon égard.

Cordialement,

Solveig Langley

Elle appuya sur la touche "Envoyer" et releva la tête de l'écran, poussant un soupir.

- Tu crois que j'ai fait une bêtise ?

Parlant à haute voix, elle caressait Ronron posé sur ses genoux. Pour toute réponse, ce dernier s'étira et replongea dans son sommeil.

- On va dire que tu ne le crois pas.

Elle se mit à glousser avant de le pousser de ses jambes pour aller se préparer un chocolat chaud et prendre quelques friandises fêlines.

Quelques minutes plus tard, elle reprit place, sa tasse à la main. Le chat miaula et reprit également sa place, tandis qu'il attrapa une des friandises que Solveig lui tendait.

Elle avait envie d'échanger avec Sora Akai, et se décida à lui écrire un mail.

Solveig Langley a écrit:

Bonjour M. Sora Akai,

Je voulais simplement vous dire que j'ai changé l'intitulé de ma thèse.
Mon maître de thèse, M. Dupont, m'a prévenu que cela pourrait être bloquant, conformément à ce que vous m'avez dit.

Non pas que je doutais de vous, mais il est vrai que je ne me préoccupe pas de l'aspect financier de la FATE.
C'est peut-être une erreur de ma part.

Dans tous les cas, le lien est toujours opérationnel quand vous saurez prêt et que vous aurez l'envie.

Cordialement,

Solveig Langley.

Elle ne savait pas vraiment ce qu'elle attendait de ce genre d'envoi... Peut-être simplement discuter ? Ce qui était assez étrange pour elle. Ce n'était pas vraiment dans ses habitudes.

Elle décida de prendre une pause et lança une série policière scientifique.
Même si la vue des meurtres lui faisait peur, elle appréciait suivre l'investigation scientifique.

Le mail suivant avait tardé à se faire entendre. Quand je le parcours, ça ne fait que confirmer son intention de continuer sur cette voie. Et également qu'elle était apparemment toute nouvelle dans le milieu, pour être aussi candide sur les méthodes des éditeurs et des différents lobbies. Ce qui s'explique, puisqu'elle est thésarde.

Pourtant, je l'ai déjà prévenue que je la recontacterai via le module... Alors, pourquoi ce message? Dans le doute, je réponds tout de même.

Sora Akai a écrit:

Une bonne décision, qui illustre parfaitement les choix à faire pour travailler dans ce domaine. Peu importent les lauriers, seules comptent les méthodes et les résultats. Dans le sens ou c'est souvent très difficile de soigner les deux à la fois.

Vous êtes-vous déjà demandé comment un simple soutien financier a pu transformer une formule qui était jusque là nocive et impropre à l'utilisation commerciale en une réussite économique et sociale? L'aspect financier de la FATE ne sert pas uniquement à fournir des matières premières et des outils.

Bref, je vais déjà trop loin, même sans nommer ce produit. En tout cas, je vous conseille de ne pas me citer lors de l'écriture de votre thèse. Cela nuirait probablement à votre notoriété.

Sora Akai

Je ne sais pas pourquoi je fais ça... Peut-être pour la mettre en garde? Si elle est associée à un scientifique qui cache son nom et qui n'hésite pas à attaquer de front certains grands noms de la FATE, ça risque de la freiner dans ses études.

Cette histoire de produit qui a finalement été commercialisé, ça n'a pas fait beaucoup de bruit, parce qu'à l'époque où il était considéré comme nocif, personne n'en a plus parlé après son refus. Mais un apport financier d'un grand groupe a suffi à "refaire des analyses" qui, comme par magie, ont démontré l'exact inverse des premières et ont permis la commercialisation d'un médicament particulièrement douteux. Pour moi, il est mis en vente pour l'argent, mais aussi pour tester son effet à long terme sur des turnes. Comme il n'est pas très cher, il remplacera vite le générique, pour les plus petits portefeuilles... Et donc, souvent, les turnes.

Décidément... L'aigreur de M. Sora Akai semblait être partout.
Un produit, nocif, qui fût finalement mis en vente ? C'était trop gros, non ?
Personne n'aurait laissé passer ça.
Il n'y avait qu'une seule chose à faire, vérifier par elle-même.

Dans la vie de tous les jours, notamment dans les rapports entre personne, Solveig n'était pas forcément très rigoureuse. Elle était même plutôt naïve, voire crédule.
Mais derrière son écran, sans angoisse, sans manque de confiance, sans la peur du regard des autres, elle pouvait laisser libre court au rationnel et au scepticisme.
Elle lança ouvrit donc une nouvelle page de son navigateur et entama les recherches sur ce fameux produit...

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"Qu'est-ce que tu fais ?"

Plongé sur son écran, Solveig était en train de comparer les résultats des deux analyses du produit cité par Sora.

- Formule semble être la même... Même dose, même molécule... Hum...

" Oh ! Hey ! Soso ! Qu'est-ce que tu fais ?"

- Hein ?

Elle releva la tête, pour voir son copain à côté du lit. Il avait parlé plus fort, réveillant ainsi Ronron qui baîlla avant de le regarder sévèrement.

"Je te demandais ce que tu faisais ? Ca fait des heures que tu es là-dessus, tu veux pas qu'on sorte un peu ?"

Sortir... ? Des heures... ?
Elle regarda l'heure et effectivement, il était tard. Elle avait passé plus de deux heures pour retracer les dires de Sora mais surtout pour récupérer la première analyse, celle qui disait que le produit était nocif.
Le laboratoire qui avait été en charge de cette analyse, avait été "englouti" par un autre, et des analyses s'étaient perdues en chemin.
Elle n'aurait su dire si c'était le fruit du hasard ou autre chose, mais c'était quand même étrange.
Enfin bref, la première analyse avait été trouvé sur un site "underground" de référencement scientifique, ça n'avait pas été une mince affaire.

"Oh ! Tu me réponds ? Allô Soso ! Ici la Terre !"

- Mais quoi ?

" Miracle, elle parle. Je te demandais si tu ne voudrais pas prendre l'air un peu ? Qu'on aille boire un verre, par exemple."

- Merci mais non, j'ai du travail.

Elle avait répondu du tac au tac, malgré la réaction qui allait venir et qu'elle connaissait bien.
Il allait s'approcher, lui dire qu'elle avait bien le droit de prendre un peu de repos, que ça faisait longtemps qu'il n'était pas allés dehors ensemble, qu'une distance était en train de se creuser, etc.
Et tout ça pour finir par dire quelque chose comme "Ca fait longtemps qu'on a pas fait une soirée en amoureux...", sous-entendant "Ca fait longtemps qu'on a pas fait l'amour".
S'il y a bien quelque chose qui n'intéressait pas Solveig, c'était bien le sexe. N'y trouvant pas vraiment son intérêt, ne comprenant pas toute l'importance qu'avait cet acte dans la tête des gens.
Vincent avait bien essayé de la "décoincer", selon son expression, mais elle ne comprenait pas vraiment l'idée.

"Bon, bah moi je sors alors. A toute."

Et il s'en alla aussi vite qu'il était arrivé tandis que Solveig lui souhaita une bonne soirée.
Etrange qu'il n'ait pas insisté mais l'interrogation fût rapidement dissipée quand elle reprit son comparatif.

- On ne peut pas se planter à ce point sur une analyse ! Une des deux est forcément fausse.

Oui, mais laquelle ?
Celle récupérée sur un site underground ? Celle qui a permis la commercialisation du dit produit ?
Etant donnée l'endroit où elle avait récupéré les résultats de la première analyse, on pouvait se dire que c'était une contrefaçon. Mais l'absence de cette dite analyse, sur les sites officiels.
C'était un choix cornélien, de croire ou non, à ces résultats. Le plus sûr aurait été de refaire les tests elle-même, mais cela dépassait de son cadre...

Et pourquoi pas ?

Ca ne prendrait pas très longtemps et elle connaissait les examens à effectuer, tout était marqué dans les deux résultats d'analyse.

Après avoir transféré les fichiers sur son nanocom, Solveig quitta l'appartement.
Non sans avoir câliné Ronron.