Le retour de la momie feat. Lexy

Je n'arrête pas de repenser à cette gamine, Heidi Langley. Même après son départ de l'infirmerie hier soir, je n'ai pas cessé de me questionner sur elle, sur les mots qu'elle m'a lâchés. Pas grand chose à quoi se raccrocher, abandonnée comme une moins que rien, se prendre des coups presque tous les jours, sauver l'intérieur au lieu de l'extérieur. Pourquoi une humaine aurait été traitée comme un vulgaire déchet ? Pourtant elle a abordé le terme « d'enfant sans défense ». Un turne n'est jamais sans défense, n'est-ce pas ? Mais un humain non plus puisqu'elle est déjà majeure, elle doit avoir un DED ? Ma pauvre Lexy, laisse tes neurones se reposer l'espace d'une seconde, tu vois la théorie du complot beaucoup trop souvent. Prudence est mère de sûreté comme je me le répète si souvent.

Je n'ai pas pu m'empêcher d'envoyer à ma mère le sang de l'étudiante afin qu'elle l'analyse. Quelle chance d'avoir pu nettoyer cette minuscule plaie qui n'avait rien de spéciale au premier regard mais qui regorge cependant, de nombreuses cellules comportant chacune un noyau qui renferme l'information génétique d'une personne. Le sang est la plus grande base de données d'un individu. Je n'aurai pas les résultats avant quelques jours, ma génitrice est bien trop occupée en ce moment, je vais devoir prendre mon mal en patience. Un sourire malsain prend possession de mes lèvres, j'aimerai que cette étudiante soit une turne. Cependant, si elle l'est, cela voudrait dire qu'il y a des failles sur l'analyse des races à la naissance. Un turne né avec les yeux qui le caractérisent jusqu'à qu'il finisse par s'endormir. Il a donc été facile de savoir qui était humain ou non à la naissance pour implanter une puce omni aux personnes légitimes de la Terre. Toute cette histoire est tellement intéressante. Un coup sur la porte retransforma mon sourire en quelque chose de doux.

- J’ai oublié mon haut hier soir. 

Quand on parle du loup...

-Bien entendu, prenez place sur le lit, je vous l'emmène.

Je me dirige vers un placard, sortant le haut en question de la jeune femme. J'avais pris soin de le laver, il était couvert de sang. Ce dernier ne m'était pas utile puisque j'avais déjà son ADN sur les compresses qui m'avaient servi à nettoyer la plaie. Je suis tellement bienveillante avec mes élèves que je m'occupe de leur lessive maintenant. Enfin, mon majordome s'en est occupé mais ça, elle n'a pas besoin de le savoir, c'est l'intention qui compte.

-Voilà mademoiselle, il est comme neuf.

Je lui tends le tissu avant de reprendre la parole.

-J'imagine qu'au vu des cernes sur votre visage, vous n'avez pas pris vos antalgiques...

Quelle tête de mule cette jeune fille. On dirait moi qui refusait le « non » catégorique de mes parents à l'époque. J'étais capable de me laisser mourir de faim s'ils me donnaient pas ce que je désirais. Alala, une vraie peste. Je laisse échappé un petit soupire.

-Vous aviez raison, vous êtes forte mademoiselle, je vous l'accorde.

Je lui tapote gentiment la tête, avant de lui faire signe d'enlever son haut actuel. Je sors un tube de gel identique à celui que je lui ai donné hier. J'imagine qu'elle ne l'a pas utilisé non plus ? Peu importe, je vais lui en appliquer avant le nouveau bandage. La nuit a due être courte pour elle, pauvre petit oiseau.

- Euh.. merci, je crois. 

Je souris à ses mots. Un merci, ça fait toujours plaisir à attendre, j'imagine. Son haut une fois retiré, je commence à appliquer lentement la pommade sur chacune des marques peuplant son corps. Il y a en a tellement, je ne sais pas vraiment par laquelle commencer, la plus grosse ? Je pose délicatement mes doigts imbibés de crème, massant doucement l'ecchymose pour faire pénétrer correctement le produit.

- Est-ce que je vous fait pitié ? Je vais avoir 20 ans dans à peine quelques jours, alors vous pouvez me parler comme à une adulte, je n’ai pas peur des mots. 

Comme une adulte ? Hmm...il y a tellement de sorte d'adultes différents sur cette Terre, il y a tout autant de façon de converser avec eux. Si l'on veut décrocher un contrat avec un gros client, il faut être directe et professionnelle, le dresser dans le bon sens du poil mais également lui montrer que c'est nous qui dominons la négociation. C'est un exemple parmi tant d'autre. Est-ce que je ressens de la pitié pour elle ? Non, pas le moins du monde, elle me permet d'occuper mes journées avec tous les coups qu'elle se prend après tout.

-Vous ne me faites pas pitié. Je ne sais pas où vous êtes allée chercher cela. Vous avez une façon bien particulière de vivre ou « survivre » mais comme vous le dites, vous êtes une adulte. Je n'ai aucunement le droit de vous imposer un mode de vie.

Je continue mes massages qui doivent être tout de même douloureux malgré le fait que j'essaye d'être la plus douce possible. J'arrive sur l'endroit fêlé, qu'est-ce qui arriverait si j'appuyais un peu plus là dessus ? Sûrement un mal atroce. Il faudrait mieux éviter, n'est-ce pas ?

-Avez vous un but dans la vie ? Un travail idéal peut-être ?

Je reprends encore un peu de gel pour terminer les dernières tâches dans son dos. Elle en a encore pour un sacré moment de souffrance si elle est entêtée à ne pas vouloir prendre mes prescriptions. A ce niveau là, cela relève du masochisme, cette recherche d'un plaisir dans la douleur, même si ce terme est plus souvent lié à la pratique sexuelle.

Effectivement, le petite blonde a l'air d'avoir mal suite à mes gestes. Pourtant, je fais au mieux pour alléger sa douleur, je crois ? Une ribambelle d'insultes danoises sort de sa bouche avant qu'elle ne reprenne son calme.

- Punching-ball c’est pas un vrai métier hein ? 

J'esquisse un petit rire amusée suite à sa réplique. Elle peut bien en faire son métier si elle le désire, j'aimerai bien voir la limite de son corps. Combien de coups va-t-il encore pouvoir encaisser avant d'arriver à un stade où la douleur physique ne sera plus ressentie ? Et surtout, tiendra-t-il encore debout si ce stade fini par arriver ? En tout cas, cette étudiante ne manque pas d'ironie.

- A part ça, le seul truc que je sais faire c’est peut-être écrire de la musique, mais rien de vraiment concret. Et vous ?

De la musique ? Là, ce sujet m'intéresse. Je suis férue de musique ou même de toutes les formes d'art, je trouve cela tellement fascinant. Il y a dans la musique quelque chose que la science ne peut expliquer, une espèce d'aura remplie de multiples émotions, c'est indescriptible.

-Vous la jouez ou vous l'écrivez seulement ?

J'ai totalement ignoré sa question, tellement absorbée par ce nouveau sujet qu'elle venait de lancer. J'ai de nombreux contacts qui sont dans le domaine de la musique, si elle désire faire quelque chose de sa vie avec ce talent, je pourrai lui présenter plusieurs artistes réputés ?

-Quel style musical préférez-vous ?

Je venais de termine l'application de la crème. Le tube était presque vide, il faut dire qu'elle en a des marques sur sa peau. Je me redresse pour chercher la nouveau bandage qui entourera son corps meurtri, rangeant le reste du gel dans son placard attitré. Le tissu une fois en main, je dépose délicatement mes doigts sur une des extrémités, enroulant le buste de l'étudiante du mieux possible.

Un petit soupire s'était échappé lorsqu'elle remarqua que je n'avais pas pris en compte sa question. Voulait-elle en apprendre plus sur moi ? Ou peut-être que les gens en général l'ignore beaucoup ? Il ne fallait pas aborder un tel sujet avec moi si elle désirait avoir une réponse de ma part. Enfin, indirectement, je lui avouai mon goût prononcé pour cet art que je respecte énormément.

- Pour l’instant je l’étudie plus qu’autre chose, mais je ne sais pas jouer d’un instrument, ce que je regrette un peu. Je n’ai pas vraiment de style ou de genre préféré, ou plutôt pas qu’un. C’est compliqué de répondre à cette question vous savez. J’ai peut-être un rapport particulier avec la musique, dès que j’écoute quelque chose, je suis obligée de le relever et de le décortiquer. 

Obligée ? Étrange comme utilisation de vocabulaire mais elle a l'air passionné par ce domaine. Elle n'a jamais joué d'instrument et le regrette ? Je pourrai peut-être remédier à ça ? Je ne peux qu'encourager les artistes à faire de leur mieux pour pouvoir vibrer en écoutant ou observant une œuvre. J'aime ce sentiment qui m'envahit lorsque les émotions se mélangent, c'est très intrigant comme sensation. Elle semble troubler par les mots qu'elle vient d'employer.

- En fait, je suis persuadée qu’il y a quelque chose de beau dans chaque morceau. Dans chaque note de chaque chanson il y a une petite portion de l’âme de la personne qui l’a écrite et qui l’a jouée. C’est ça la beauté de la musique, c’est qu’elle permet de communiquer mieux que n’importe quels mots. Alors la réponse à votre question, ce serait de dire que mon style favoris c’est celui dans lequel on laisse le plus de son âme, mais la vérité c’est qu’il n’y en a aucun. Que ce soit du jazz, du hip-hop, du rock, de la musique classique, du heavy metal et j’en passe, tout ça, ça parle de l’âme à l’âme La musique, elle ne vous rejette pas, elle vous prends comme vous êtes et elle vous embrasse en vous donnant un frisson mortel d’émotion. Chaque style a sa propre palette de sensations mais on ne peut pas se contenter d’une seule quand on veut peindre le tableau d’une vie. Enfin, je crois que je m’égare un peu, désolée. 

Le sujet de la conversation avait totalement changé la demoiselle. Elle était complètement dans son élément, et cela s'entendait au son de sa voix qui gagnait en confiance. Une vraie passionnée, c'est plaisant à entendre. Le bandage était terminé et parfaitement positionné. Je souris à la jeune femme avant de me redresser, plongeant mon regard dans le sien.

-Vous avez trouvé la voie à emprunter on dirait. A vous entendre, vous êtes faite pour travailler dans la musique.

Mes pas se dirigeant vers mon bureau, je sors d'un des tiroirs une petite pochette contenant des cartes de visite de magasin. Alors où est-il ? Le voilà... Un petit carton s'échappe du lot alors que je reviens en direction de la blondinette.

-Je pense que vous avez un grand potentiel dans ce domaine et je trouve cela dommage que certaines barrières vous barrent  la route.

Je lui tends le fameux carton où se trouvait le logo du plus grand magasin d'instruments de Central Point.

-Quand vous irez mieux, allez faire un tour là-bas. Choisissez un ou deux instruments et dites que vous venez de la part de Lexy Sanders.

Mes parents connaissent bien le patron de cette boutique, et moi aussi. Quand j'étais gamine, je me revois faire des crises dans ce magasin pour avoir ce que je désirais. Je ne comprends pas pourquoi mes parents ne m'ont pas simplement donné une bonne gifle. Enfin bon, je ne vais pas me plaindre. Est-ce que la blondinette va accepter mon aide ? Si c'est comme les médicaments, j'en doute fort...

- C’est.. très gentil de votre par Miss Sanders, mais je suis employée dans un autre magasin et faire marcher la concurrence serait vu d’un assez mauvais œil. 

C’est bien ce que je pensais, elle refuse. Elle n’a vraiment pas l’air de vouloir d’aide extérieure, une trop grande fierté ? Des fois il faut savoir la laisser de côté et saisir les opportunités. Mais soit. Elle semble fatiguée, je devrais peut-être la laisser se reposer tranquillement et retourner à mes occupations ?

- Il n’y a personne dans le couloir, vous croyez que je peux rester un peu ? Juste le temps que quelqu’un arrive, après je repars. 

Tiens, elle ne veut pas partir d’ici ? Et puis personne derrière la porte ? Comment peut-elle le savoir. J’ouvre la porte pour jeter un bref coup d’œil dans la salle d’attente. Effectivement, personne ne s’y trouve. C’est plutôt calme aujourd’hui, cela change de l’ordinaire. Je referme la porte, intriguée par la blondinette qui savait qu’aucun chat ne s’y cachait derrière. En plus d’avoir l’oreille musicale, elle a l’ouïe très fine… Je lui souris, un doux sourire qui lui indique qu’elle peut rester autant de temps qu’elle le désirera.

- C’est juste pour ne pas avoir à remarcher tout de suite, ça reste assez douloureux vous savez. 

Encore une excuse par fierté ? Je laisse échapper un petit rire amusé. Oui, cette étudiante est très amusante, elle me fait penser à moi plus jeune. Toujours à essayer de chercher des prétextes pour justifier une action, pour éviter toute mauvaise interprétation des autres.

-Je comprends oui.

Mon ton était amusé. Je me dirige vers le lavabo pour enlever les restes du gel présent sur mes mains. Une fois propres et séchées, je viens m’assoir près de la jeune femme.

-Gardez quand même le carton du Sound Center, on ne sait jamais si vous changiez d’avis.

Je prends une petite pause, toujours une expression aussi douce au visage. Elle ne veut pas être aidée et pourtant, elle veut rester un peu plus longtemps ici alors pourquoi ne pas parler un peu de moi ?

-Ecoutez, j’étais comme vous plus jeune, toujours cette fierté en moi. Pourquoi accepter l’aide des autres ? Je peux me débrouiller seule, c’est mes problèmes, ma vie, personne ne peut comprendre, personne ne peut m’aider. Mais vous voyez, on ne peut pas vivre seule car c’est justement ce qu’on appelle survivre. Il faut savoir accepter la main qu’on vous tend sinon la solitude finit par vous rendre fou. Et puis n'oubliez jamais que même si on vous aide, cela ne veut en aucun cas dire que vous n'êtes pas forte, bien au contraire.

Mon nano se met à vibrer. Un appel, encore ? Je le sors de ma poche, apercevant le nom de mon majordome. Non, pas tout de suite, je n’ai nullement envie d’entendre encore un discours sur mon fiancé. Je raccroche.

-Par contre, il faut bien choisir les gens à qui vous serrez la main.

- Sauf que je ne suis pas douée pour choisir les gens à qui je veux attraper la main. 

Et elle est encore jeune. Choisir les gens en qui on peut avoir confiance est une épreuve très compliquée. Beaucoup de gens sont pourris, mon père me l’a appris bien assez tôt. Je suis restée sur mes gardes pendant toute ma vie. Le désavantage d’être riche, c’est que les gens qui nous entoure, ne voient que par notre argent. Ils ont toujours un intérêt derrière la tête lorsqu’ils viennent nous parler. Le pire, c’est que ce genre de personne m’ont rendu exactement comme eux. Ou peut-être l’étais-je déjà ?

- On m’a déjà lâchée une fois, j’ai pas envie que ça recommence. 

L’abandon, n’est-ce pas ? C’est un sentiment assez compliqué à gérer puisqu’il a donné naissance à la tristesse, la colère, l’angoisse et j’en passe. Que des sentiments négatifs ce dégage de ce mot et énormément de questions viennent polluer notre esprit. Et les réponses ne sont pas toujours évidentes à avoir, même si un bon nombre d’entre elles sont déjà en nous. Son regard est sombre, sûrement les blessures d’un passé qui se réveillent ? Je pose ma main délicatement sur son épaule.

- Je ne suis pas en capacité de soigner cette blessure qui a l’air de vous faire souffrir encore plus que cette côte fêlée. Mais, relevez la tête. C’est vous qui m’avez dit que vous étiez forte.

Je prends une légère pause, mon sourire était doux et ma voix, maternelle ? Pourtant je ne suis pas prête pour avoir des gosses, c’est une certitude.

-Lorsqu’on tombe, il faut savoir se relever. Vous savez, la vie est cruelle et vous allez connaitre encore la douleur qui semble vous ronger actuellement et c’est normal. Mais si vous vous enfermez dans cette douleur, sans vouloir relever la tête, vous ne connaîtrez jamais tous ces sentiments positifs dont le bonheur.

Je ne la forcerai pas à parler de son passé, je pense que c'est déjà un grand pas pour elle de m'avoir lâcher quelques mots. Pourquoi je n’occupe pas le poste de psychologue déjà ? Parce que rien que le nom, ça a tendance à faire fuir les élèves.