MAIS QU'EST-CE QUI M'A PRIS ?!
Assise à un table plus qu'excentrée du bar "Le NewEarth", Solveig regardait, non sans une certaine gêne, voire un certain malaise, la population locale boire, rire et danser au son de la musique.
Et de la boisson, il y en avait tout autour d'elle, partout, dans les mains, sur les tables, sur le comptoir... Comme les rires. Il ne se passait pas un instant sans que l'on entende des éclats.
Mais elle, pourtant, ne riait pas.
C'était tout juste si elle buvait le verre de rosé commandé, venant à espérer que personne ne l'approche pour lui parler... Ou pire, la draguer.
Il y avait bien un jeune homme qui avait essayé de s'asseoir à sa table, en lui proposant un verre, mais Solveig avait timidement refusé.
A son grand soulagement, il n'avait pas cherché plus, s'éloignant et souhaitant une bonne soirée à Solveig.
Elle n'était absolument pas habitué à ce genre de contact.
Pourtant, l'intention de venir ici lui avait paru bonne à l'origine.
Ayant bien conscience de ses propres entraves, elle avait décidé de prendre son diable par les cornes et de sortir.
S'habillant de façon plus... Décontractée, soit une paire de sandale, un jean bleu et un débardeur jaune pour rappeler la couleur de ses cheveux. Et mettre sa poitrine en avant grâce à un décoletté plutôt profond.
Elle avait spécialement acheté ses habits pour l'occasion, se laissant porter par les conseils de la vendeuse. Vendeuse qui, à priori, semblait être habitée par une ferveur quasi-divine à mettre en avant le "sex appeal" de Solveig.
Et ça n'avait pas loupé.
Premièrement , Solveig ne s'était pas reconnue en se voyant dans un miroir, avec cette tenue, les cheveux détachés, un peu de rouge à lèvres et un fin trait noir sur le contour des yeux.
Deuxièment, en ressortant du Centre Commerciale, elle s'était faite siffler. Deux fois ! Et il y avait eu quelques regards échangés et appuyés... Mais avec des femmes.
Sur le moment, cela l'avait fait rire, et bien qu'elle fût légèrement gênée... Elle apprécia étrangement la chose. Surtout le contact féminin.
Mais c'était sur le moment.Là, elle était plus que gênée.
Les quelques personnes qui venaient à sa tablepas à plonger du regard sur le haut de sa poitrine. Ils semblaient insinuer des choses mais s'en allait à chaque refus de Solveig.
Au bout d'un moment, elle comprit pourquoi ils ne s'attardaient pas : les vigiles. Ceux-ci faisaient attention à ce qu'il se passait et apparemment, ils veillaient à ce que les personnes seules ne se fassent pas trop embêté.
Et ce point rassura grandement Solveig, qui se permit une nouvelle gorgée de rosé, tandis qu'une bulle protectrice se formait dans son esprit, la décontractant légèrement.
A moins que ça ne soit le vin.
Protection en place, Solveig se remit à observer ce monde inconnu qui l'entourait.
Les gens semblaient si à l'aise les uns avec les autres, riant ensemble, dansant avec des étrangers, allant même parfois jusqu'à... Jusqu'à s'embrasser.
Comme les deux femmes un peu plus loin.
La vision de ces deux femmes, dansants sur la piste,mêlant leurs lèvres, électrisa complètement Solveig.
Un puissant frisson vint à parcourir tout son corps, herissant ses poils, accélérant sa respiration, augmentant l'afflux sanguin.
Solveig avait soudainement chaud, très chaud... L'obligeant à puiser une nouvelle gorgée de son rosé... La dernière gorgée possible.
Elle ne s'était pas rendue compte de sa "descente"... Un serveur passa à portée, elle ne s'écouta pas et en commanda un nouveau.
Le verre à nouveau rempli, elle se replongea dans l'observation des femmes.
Elle avait du mal à se dégager de cette sensualité qui les caractérisait. Solveig se sentait attiré, magnétisée, aimantée.
De son esprit altérée par l'alcool, elle s'imaginait même les rejoindre pour danser. Même si elle ne savait pas danser.
Mais toute bonne chose avait une fin, et les deux êtres se prirent par la main, s'embrassèrent tandis que l'une chuchota des mots à l'oreille de l'autre.
Puis elles quittèrent le bar, leur main toujours entrelacées.
Solveig était intriguée et déçue.
Intriguée par les propos d'une des deux femmes, qu'avait-elle bien pu lui dire pour qu'elles partent ainsi ?
Et déçue de voir cette vision quitter son regard.
Mais elles n'étaient pas les deux seules femmes dansantes de la soirée, non.
De l'autre côté de là où se tenaient les deux femmes, il y avait un groupe de femmes qui dansaient sur la piste. Solveig dû s'y reprendre à plusieurs fois, parce que la chose lui semblait clairement improbable mais... Il y avait dix femmes, qui dansaient autour d'une onzième.
Ca lui paraissait inconcevable, et pourtant, elles dansaient bien autour d'une seule femme.
Solveig avait l'impression d'avoir découvert une nouvelle galaxie, où les femmes étaient toutes des étoiles et celle du milieu un soleil.
Ce que son "magnétisme" confirma quand elle pu pleinement voir ce "soleil"...
Il était impossible à Solveig de décrire pourquoi elle l'était, mais elle l'était. C'était comme ça.
L'eau mouille, le feu brûle, le vent souffle et cette femme attirait.
Pas d'explications plausibles, pas d'hypothèses ou de théories à emettre, c'était comme ça.
D'ailleurs, elle n'était pas la seule à le penser car beaucoup de regards étaient tournées vers ce groupe de femmes.
Une femme, d'ailleurs, se leva pour rejoindre ce cercle, augmentant à onze le nombre d'étoiles tournoyants autour de ce soleil.
Etrangement, une pointe de jalousie, qu'elle ne pouvait définir comme telle, vint naître en son sein.
Elle aussi avait envie de rejoindre ce groupe de femmes et de s'amuser. Ca avait l'air... Sympa.
Prenant son courage à deux mains, ou oubliant sa peur, ou se laissant guider par ce magnétisme couplé à l'alcool, elle se leva et se dirigea vers cette nouvelle galaxie.
Et fit le premier pas.
"Mais qu'est-ce que tu fais ? Non !"Le second.
"Mais non ! N'y vas pas !"Le troisième.
"Solveig ! Soso ! N'y vas pas, il y a du monde, tu vas stresser, angoisser et tomber dans les pommes."Le quatrième.
Solveig ne voulait pas s'arrêter, elle ne voulait plus. Sa zone de confort était sa zone de confort mais rien qu'à elle.
Cette zone n'incluait pas sa soeur, par exemple. Elle devait apprendre à inclure d'autres personnes dans cette zone.
Cette attrait pour sa zone de confort lui avait laissé faire des choses qu'en temps normal, elle n'aurait jamais accepté.
- Pour une fois dans ma vie, laisse-moi mon moi... Pour une fois.Elle était maintenant à deux pas du cercle. Elle était parvenue là, elle ne savait trop comment sans bousculer ou être bousculée.
Mais il lui restait deux pas... Deux petits pas.
Comme pour l'aider à diminuer cette distance, elle leva son bras droit et profita de ce mouvement pour entamer l'avant-dernier pas.
Soudain, elle vit une main sortir de ce cercle, attraper la sienne et la haper à l'intérieur de cette galaxie.