22, Anton Dusk

Je regarde mon GPS sur mon nanocom. Ça caille un peu, le soleil est déjà bas et les rafales de vent de la climatisation du dôme et des voitures qui passent ne sont pas vraiment des plus agréables... Mais ça, c'est rien. J'ai suivi les coordonnées données par madame Sanders... Et le truc, c'est que ça m'a menée ici... Tout près de la F.A.T.E. Autrement dit, à la fois un lieu indispensable pour la science et pour la moindre percée dans le domaine de la biologie notamment, mais aussi un lieu qui finira probablement en cendres et en ruines au prochain soulèvement de Turnes.

Il est assez tard, je suis venue après ma journée de cours et j'ai mis plus de temps que je le pensais à trouver... "L'immeuble". Je dis ça parce qu'on pourrait croire, avec ce mot, à un immeuble normal, quoi, un cube de béton posé par terre. Eh bah là, non, putain, c'est une espèce de gigantesque tour de verre et de carbone, torsadée sur elle-même, avec des rebords improbables. Le genre à utiliser 15% à lui seul de l’électricité produite par la ville. Chaque fois que je regarde les districts intérieurs, depuis chez moi ou depuis le parc, j'ai toujours ce même dégoût... Ou de la jalousie, peut-être... Pour ces privilégiés qui ont eu la chance d'être nés du bon côté du génome. Enfin... ou du mauvais, selon le point de vue.

Je sais déjà que "Lexy Sanders, fille unique du PDG Liam Sanders", travaille pour la F.A.T.E. Mais... En parallèle à eux, ou affiliée à eux? L'entreprise Sanders est un des principaux centres de recherches de Central Point, héritiers directs d'Anton Dusk, créateur de la ville, mais c'est aussi une entreprise privée. C'est par contre le plus gros partenaire de la Fondation. Autant dire qu'ils travaillent main dans la main... Si c'est le cas, non seulement ça ne serait pas une très bonne idée pour moi de continuer plus loin, mais de toutes façons, je doute qu'ils laissent travailler quelqu'un comme moi aussi facilement à l'intérieur. Enfin... Sauf dans certaines conditions... Comme celles qui m'ont amenée à travailler dans leurs... "Locaux" pendant les premières années de ma vie.

Je reste plantée là, sur le trottoir. La nuit est déjà là, j'ai un peu froid. Je replace une mèche derrière mon oreille, mon bonnet sur le crâne. Bon, ce serait trop bête de cracher sur du matériel dernier cri. Autant tenter le coup. Je traverse - je me fais klaxonner par un connard qui conduit sa bagnole électrique comme un manche - et j'arrive devant la porte de l'immeuble. J'imagine que son nom doit être indiqué sur... Attends. Ca veut dire quoi? Au dernier étage, il n'y a qu'un seul nom. Le sien.

Cette meuf possède tout le dernier étage?!

Putain, je rêve... C'est vraiment pas le même monde. Comment on peut occuper autant de place en sachant qu'on est si nombreux dans cette ville que certains doivent s'entasser dans des bâtiments en ruine... Quand ils ne sont pas juste expulsés du dôme.

Je souffle. Garde tes opinions politiques pour toi, Skye... Et...

Sonne.

Tout a l’air parfaitement en ordre mais il y a bien quelque chose qui cloche sinon cela fonctionnerait correctement. Qu’est-ce que j’ai bien pu louper ? Je n’ai dormi qu’une heure la nuit dernière et s’en est une de trop. Je me triture les méninges pour arriver à réparer ce transformateur de CO et CO2 en O2, reproduction de la photosynthèse des plantes mais de manière mécanique. C’est une version de miniature de ce qui pourrait être fait pour sauver l’humanité de tous ces parasites qui polluent notre air. Cependant, impossible de produire une telle invention à l’échelle de Central Point. Les matières premières ne seraient pas assez nombreuses, nous manquons cruellement de toute sorte de minéraux. C’est bien beau de produire mais le point défectueux est que nous sommes condamnés à vivre sous une bulle, avec ce que nous avons sous la main. « Ce que nous avons sous la main » n’est pas inépuisable et si les équipes de recherche qui sortent du dôme ne nous fournissent pas assez de matières premières… Qu’est-ce que…

-Taylor, le fer à souder s’il vous plait !

Les pas du majordome se rapprochent de moi et l’objet que je désire vient retrouver mes mains. Bon, il faut être minutieuse sur ce coup-là, à la moindre erreur, la puce est foutue. Le métal coule lentement sur la partie endommagée, ressoudant parfaitement le souci qui m’a privé de ma nuit. Il y a tellement de circuits différents dans cette machine que je ne sais même pas pourquoi je l’ai inventée. Je remets tout en place, prenant garde de n’abîmer aucun autre composant, resserrant les vis pour de la coque.

-Mademoiselle Sanders, je ne peux que vous conseiller d’aller vous reposer un peu désormais.

Un soupire m’échappe, j’ai une sainte horreur qu’on vienne me donner des ordres, c’est moi qui les donne. Mais c’est un conseil voyons. Non, c’est moi qui paye, c’est moi qui commande.

-Et moi, je vous conseille d’aller préparer mon bain.

Une approbation avec sa tête avant qu’il ne se dirige vers la salle de bain. Bon très bien, est-ce que cela va fonctionner maintenant ? J’allume une cigarette, projetant ma fumée vers mon invention, un oxymètre dans la main afin de contrôler le taux d’oxygène présent dans l’air. Le sourire qu’affiche mon visage indique que la réparation est un succès. J’aime quand tout va dans mon sens, ceci mérite un bon bain.

L’eau est à parfaite température. Je me délecte de cet excellent whisky provenant de ma cave personnelle. Ma cigarette posée sur le rebord de la baignoire, mes yeux parcourent différents dossiers de turnes présents au NEST. Je m’arrête en premier lieu sur celui qui présente une mutation physique, pouvant modifier la structure originelle de la colonne vertébrale. Qui aurait pensé que d’aller fumer sur le toit du pensionnat me permettrait de découvrir une telle mine d’or. Je continue ma lecture, me stoppant désormais sur le cas d’Heidi Langley. Je ne comprends toujours pas comment un turne a pu passer à la trappe du contrôle des naissances. Il faudrait que je fasse des recherches plus approfondies sur ce sujet. Je reprends une gorgée de ce délicieux alcool, laissant mon verre entièrement vide. Misère, c’est le genre de plaisir que je n’aime pas me refuser.

-Taylor, un autre verre s’il vous plait !

Je cri assez fort pour que le domestique entende et il ne tarde à venir dans la pièce avec la fameuse bouteille. Il s’apprête à ouvrir son clapet mais mon regard lui indique clairement que je ne veux rien entendre. Le fond de mon verre une fois rassasié, je termine lentement mon roman avant de me décider à sortir de l’eau. Un énorme soupire retenti dans la pièce lorsque j’entends Taylo près de la porte.

-Mademoiselle, une jeune demoiselle vient de sonner. Une jeune femme brune aux yeux bruns tirant sur le doré ?

Elle a donc fini par venir ? Un sourire mesquin orne mes lèvres. C’est très intéressant.

-Dites-lui de monter, j’arrive !

J’enfile une tenue entièrement rouge d’un grand couturier, sortant enfin de la salle de bain. Je lâche un « couchez Batman » pour que mon chien aille retrouver son panier dans ma chambre. Il n’est pas très friand des turnes, mieux vaut éviter tout accident. J’ouvre la porte d’entrée pour accueillir la brunette.

-Bonsoir mademoiselle Reid, je vous offre à boire ?

Je fais signe à mon majordome d’aller préparer l’apéritif.

Vous pouvez monter, vous pouvez monter, il fait quatre kilomètre ce putain de hall de mes deux! Ou est sensé être l’ascendeur? C'est un espèce de palais de marbre et l'architecte a cru bon ce camoufler toutes les parois avec la même couleur, y compris les portes! Ah, c'est là. J'appuie sur le bouton, et au final, six portes s'ouvrent en même temps, sur autant ascenseurs vides. C'est quoi, ici, un hôpital? J'en prends un, et j'appuie sur le dernier étage. Soixante-dix étages... Si ce n'est pas la plus grande tour de Central Point, elle doit faire partie des plus grandes... Enfin, bien sûr, si on ignore la Central Tower, la tour du gouvernement qui sert également de pilier central au dôme.

Pendant de longues secondes, je sens mon corps déplacé vers le haut alors qu'une insupportable musique tente vainement de me faire oublier le temps qui passe. Qui est-ce qui compose ces trucs-là? En plus, le fond est un miroir. Je pense que tout a été savamment réalisé pour que ce soit l'endroit le plus malaisant possible...

Enfin, j'arrive. La porte s'ouvre sur un grand couloir tapissé, comme on en voit dans les hôtels. Mais surtout, un gros type en costume noir avec des lunettes de soleil est juste devant moi. J'étouffe un cri de surprise. Qui c'est, ce con? Son mec? Son mari? Et pourquoi il porte des lunettes de soleil en intérieur et en soirée, déjà...?

Il avait l'air de m'attendre. Comme il n'a pas l'air d'engager la conversation, je tourne la tête dans le couloir. Il y en a deux autres. C'est une putain de blague... C'est quoi, cette infirmière? Une princesse Disney? Elle a une demi-douzaine de vigiles dans son château... Le premier me fait un signe de tête vers une porte, au bout d'une sorte de petit hall. Alors, elle possède réellement tout l'étage... C'est... Démesurément n'importe quoi.

J'avance vers la porte. Maintenant que je suis ici, j'ai l'impression que si je fais demi-tour, je vais me prendre douze décharges de DED dans le cul... Alors, foutue pour foutue. J'avance ma main mais il n'y a pas de poignée. Merde. Si c'est une serrure qui s'ouvre avec une puce Omni, je suis bonne pour rebrousser chemin... Mais, non, la porte finit par s'ouvrir. De l'autre côté... Lexy. Elle est habillée tout en rouge. De la haute couture. Le genre de trucs que, même si j'avais la thune, même si on me l'offrait, j'enfilerai sans doute jamais... On dirait un mélange entre un pyjama et une jumpsuit à ailettes. Le tout rouge. Pétant. Le pire, c'est qu'on voit qu'elle sait le porter, ça lui va pas trop mal...

-Bonsoir mademoiselle Reid, je vous offre à boire ?

Elle claque des doigts vers un homme, qui va aussitôt s'affairer avec un plateau de verres et de carafes en tout genre. A tous les coups, c'est du cristal...

-Euh... Ouais, OK.

Bien joué, Skye. Tes premiers pas dans la haute. Ridicule... J'avance un peu, maladroitement. Je dois avoir l'air d'une paysanne dans un château... D'une esclave dans un palais. D'un poussin dans un abattoir. Tout est immense et intimidant. On peut mettre deux fois l'appart de Kelya dans son salon. C'est le salon? Merde, on dirait que c'est juste l'entrée, j'en sais rien. Un peu de contenance, Skye. Reprends-toi. Si t'as envie que ta carrière de scientifique décolle, c'est peut-être ta seule chance. Dis quelque chose. Quelque chose d'intelligent, de distingué.

-C'est joli, votre truc rouge.

La jeune étudiante n’a pas l’air dans son élément dans cet immense immeuble. La plupart des turnes vivent dans une poubelle après tout. Je peux comprendre que tout ce luxe l’impressionne mais je me voyais mal l’accueillir à la FATE ou dans la demeure des Sanders. La maison de mes parents est tellement plus…grande ? Imposante ? En tout cas, ce n’est pas les domestiques qui manquent là-bas.

-Euh... Ouais, OK.

Taylor commence à installer sur la table basse du salon les carafes en cristal regorgeant d’alcool de haute qualité et les verres assortis. Il repart dans la cuisine pour ramener une ribambelle de gâteries pour agrémenter la boisson. Petites brioches fourrées au foie gras, gougères au crabe, rolls de courgettes, crevettes au sésame et j’en passe, de quoi combler l’appétit.

-C'est joli, votre truc rouge.

Le petit parasite n’est vraiment pas habitué à tout cela et son langage n’est pas du tout semblable au mien. Enfin bon, elle n’est pas ici pour que je la juge sur ses bonnes manières, encore heureux car il y a du boulot. Je lui fais un joli sourire, l’invitant à aller s’installer sur le grand canapé en cuir face à la table garnie.

-Merci.

Une fois assise sur le canapé, je la rejoins alors que le majordome s’éloigne de nous pour aller nettoyer la salle de bain. Je ne sais pas ce que je ferais sans cet homme, même si à certain moment, j’ai envie de l’étriper. Je me resserre un 3ème verre de ce délicieux whisky avant de dire à la brunette, poliment.

-Servez-vous, faites comme chez vous.

Quoi que comme chez elle est sûrement synonyme d’un placard comparé à ici. Enfin bon, je suis riche et je suis bien heureuse de l’être. Je plonge mes saphirs dans les yeux de ceux de l’étudiante, toujours cet air doux au visage.

-Vous imaginez bien que ce n’est pas mon salaire d’infirmière au NEST qui me permet de vivre ainsi. Je travaille également à la FATE, mais vous devez le savoir.

Je me délecte d’une gorgée de ce somptueux alcool avant de reprendre.

-J’aimerai trouver une solution à ce problème de toxine WIBE, rejeté par les turnes.

Ne tournons pas autour du pot, soyons claire dès le début. J’attrape mon paquet de cigarette présent sur la table, l’allumant lorsqu’elle rejoint mes lèvres. Je recrache lentement la fumée.

-Quel est votre point de vue sur le sujet ?

Je lui fais signe de prendre une dose de nicotine si elle le souhaite. Lexy, ce n’est pas bien de donner de l’alcool et du tabac à une étudiante voyons. Je ne suis pas membre du personnel ce soir, je peux me le permettre. Et puis les jeunes sont loin d’être innocent de nos jours.

Tout ce qu'il met sur la table a l'air soit d'être de la décoration bling-bling, soit des trucs absolument immangeables. Je saurais pas en décrire la moitié. Qui mange ça? Je suis sûre qu'elle ne va pas en toucher un seul, que c'est juste une sorte de... De décor qui va avec le reste du luxe ostentatoire de son appartement. Enfin, de son loft. Sérieusement, elle doit faire un footing tous les matins quand elle passe de la chambre à la cuisine. Encore que... C'est probablement Taylor qui le fait pour elle. Bizarre, d'ailleurs, ça devrait être une grosse dinde... Ah, mais non. Elle a sûrement une salle toute entière dédiée aux appareils de sport.

Elle me sourit, et m'invite à m'asseoir sur le canapé. Le cuir émet un grincement auquel je n'ai pas l'habitude. Je n'ai pas l'habitude de grand-chose ici, en règle générale, de toutes façons. Et puis, finalement, elle vient s'asseoir à côté de moi. Le majordome nous laisse; dommage, j'étais bien plus à l'aise avec un être humain normal dans la pièce. Lexy, elle bouge comme dans une pub. C'est stressant.

-Servez-vous, faites comme chez vous.

Chez moi, j'aurais pris une bière, et j'aurais allumé la console en appuyant sur la manette avec le pied. Je doute de trouver quoi que ce soit qui s'approche de près ou de loin d'un appareil dédié à l'amusement ici. Certes, un de mes buts dans la vie est d'avancer plus que n'importe qui dans les domaines scientifiques, mais si c'est pour en arriver là, je suis plus si pressée...

-Vous imaginez bien que ce n’est pas mon salaire d’infirmière au NEST qui me permet de vivre ainsi. Je travaille également à la FATE, mais vous devez le savoir.

-Oui, j'ai lu ça quelque part...

Oui, sans déconner. Il suffit d'une recherche rapide pour savoir que le groupe Sanders est le premier partenaire de la FATE. Bon, ça répond à ma question d'avant : elle, la fille du PDG, est directement employée à la FATE. A quel poste? Rien de très haut placé, étrangement; en fouillant la liste des employés qu'on peut trouver en ligne, je n'ai trouvé que deux Sanders, et elle, elle est chirurgienne. Du coup...
Pourquoi travailler à l'infirmerie du NEST? Par bonté d'âme?
Haha.

-J’aimerai trouver une solution à ce problème de toxine WIBE, rejeté par les turnes.

Eh ben, c'est ce qui s'appelle rentrer dans le vif du sujet. Enfin, normal, pour une chirurgienne, j'imagine. La toxine WIBE... Ce fameux produit, rejeté en infime quantité quand je respire. C'est un problème... Pour les autres. Moi, et les autres turnes, nous pouvons le respirer sans problème. C'est cette même toxine qui est présente en quantité mortelle en dehors du dôme, rejetée par tous les êtres vivants qui ont été touchés par les retombées de la Dernière Guerre.

J'ai déjà effectué quelques recherches dessus. La "toxine" White Iris Black Eyes - j'imagine que l'appeler "toxine turne" aurait été un mauvais choix politique, si on cherche à éviter les insurrections - est la principale source des problèmes entre humains et turnes. Pour eux, nous sommes devenus des monstres dangereux pour leur santé.

-Quel est votre point de vue sur le sujet ?

J'ai déjà écrit un article, en tant que Sora Akai, dans le JBRHE, le Journal of Biomedical Research and Health Economics. Il traitait du fait que pour moi, l'ensemble de la communauté scientifique unissait ses efforts dans une direction erronée. Pourquoi tenter de supprimer l'émission de cette substance, quand il suffisait de permettre au rester du monde de la respirer? Ce n'était pas mon plus grand succès. On m'a accusé d'hérésie scientifique, d'incitation au génocide. "Transformer les humains restants en Turnes, ou plutôt... Permettre au reste de la race humaine de finir son évolution". Avec le retour extrêmement négatif que j'ai eu, je n'ai plus jamais partagé ce genre de pensées.

Elle me propose une cigarette, j'accepte. Au moins, ça, qu'on soit en haut d'une tour d'ivoire ou assis sur un trottoir de la Bordure, c'est les mêmes...

-Le WIBE est produit par les cellules mutantes. Tout comme les cellules normales rejettent du CO² en brûlant le sucre nécessaire à leur énergie, celles qui ont muté fabriquent la toxine et la "repoussent" dans les poumons pour l'expulser du corps. En gros, plus quelqu'un utilisera sa capacité évolutive, plus il rejettera de Wibe dans l'air.

Un bête résumé jusque-là. Les choses intéressantes viennent après, quand on choisi selon quel angle attaquer le problème. C'est même chacun de ces angles qui constitue le nerfs de la guerre civile actuelle entre les différents groupes politiques. Tuer les Turnes. Guérir les turnes. Rendre le Wibe respirable. Modifier les humains. Filtrer le Wibe. Il y a autant de possibilités qu'il y a de cerveaux humains... Mais de quelle "solution" parle Lexy?

- Le gros problème du Wibe, c'est sa radioactivité, plutôt que le fait qu'il soit neurotoxique. Enfin, si, c'est un problème aussi, puisque des gens peuvent en mourir, mais la radioactivité des atomes de la toxine provoque un relâchement d'électrons, de neutrons, de protons, d'énergie cinétique... En gros, un rayonnement ionisant. C'est un peu comme si le corps humain devenait une centrale nucléaire. L'énergie utilisée par les cellules mutantes est créée par réaction nucléaire, un phénomène provoqué par les retombées de la guerre.

Cette théorie de la radioactivité, si faible qu'elle est encore en train d'être mesurée avant toute publication scientifique, n'a encore jamais été évoquée hors des revues très pointues, notamment après mon article controversé. Et ce qui suit, c'est quelque chose que je n'avais même pas écrit, à l'époque.

- Ce rayonnement ionisant, il est très faible, on parle d'une échelle cellulaire. Mais quand il touche un être humain, il modifie assez ses propres cellules pour les rendre instables, et les forcer à se recomposer de façon différente. De façon à ce qu'un éventuel enfant aura beaucoup plus de chances d'être... Turne.

Je laisse une pose. Je viens de lancer un pavé énorme dans la mare. Je ne sais pas si j'ai bien fait. Mais depuis que j'ai découvert cette théorie, je rêve de la confronter à quelqu'un qui a le matériel pour la confirmer ou l'infirmer. Quelqu'un qui la comprendrait, qui en comprendrait les tenants et aboutissants. Il suffit de laisser faire le temps! Tous la race humaine finira par évoluer, et le Wibe sera de l'histoire ancienne. Ce sera simplement notre nouvel air...

Elle accepte volontiers la cigarette que je lui propose. Une fumeuse donc ? Par contre, elle ne touche pas une goutte d’alcool, j’en devine la raison mais laissons ce riche cerveau fonctionner correctement.

-Le WIBE est produit par les cellules mutantes. Tout comme les cellules normales rejettent du CO² en brûlant le sucre nécessaire à leur énergie, celles qui ont muté fabriquent la toxine et la "repoussent" dans les poumons pour l'expulser du corps. En gros, plus quelqu'un utilisera sa capacité évolutive, plus il rejettera de Wibe dans l'air.

Avec ce résumé de la toxine, est-elle consciente que la quantité qu’elle rejette, lorsqu’elle utilise son gène, est monumentale ? Le cerveau est de loin l’organe le plus complexe du corps humain, sait-t-elle combien de cellules mutées doivent être en activation lors de l’utilisation de son gène ? Télencéphale, cervelet, diencéphale, pont, mésencéphale et moelle allongée composent les principales divisions de l’encéphale. Toutes ces régions du cerveau possèdent une structure interne complexe. Sa mutation est impressionnante puisqu’elle doit mettre en mouvement toutes ces structures pour amener le cerveau au maximum de ses capacités. En bref, Skye Reid doit être le parasite qui émet le plus de toxine à Central Point.

- Le gros problème du Wibe, c'est sa radioactivité, plutôt que le fait qu'il soit neurotoxique. Enfin, si, c'est un problème aussi, puisque des gens peuvent en mourir, mais la radioactivité des atomes de la toxine provoque un relâchement d'électrons, de neutrons, de protons, d'énergie cinétique... En gros, un rayonnement ionisant. C'est un peu comme si le corps humain devenait une centrale nucléaire. L'énergie utilisée par les cellules mutantes est créée par réaction nucléaire, un phénomène provoqué par les retombées de la guerre.

J’en suis arrivée à la même conclusion à ce niveau-là. C’est pour cette raison que seuls les turnes peuvent respirer en dehors de dôme puisque leur corps est totalement habitué à cette radioactivité. Et c’est aussi pour cela que si on ne résout pas rapidement ce problème, l’air que l’on respire sous le dôme deviendra identique à celle en dehors. Cependant, cette théorie n’est pas encore prouvée à 100% mais j’en mets ma main à couper que c’est la bonne. Il m’a fallut énormément de temps pour que cette hypothèse me paraisse réalité et elle, elle est tellement jeune… C’est fascinant.

- Ce rayonnement ionisant, il est très faible, on parle d'une échelle cellulaire. Mais quand il touche un être humain, il modifie assez ses propres cellules pour les rendre instables, et les forcer à se recomposer de façon différente. De façon à ce qu'un éventuel enfant aura beaucoup plus de chances d'être... Turne.

Théorie intéressante mais qui n’est pas tout à fait juste. J’ai fait de nombreuses expériences sur des souris qui présentaient des cas de mutations et d’autres qui étaient tout à fait normales. Ce petit rongeur possède 99% de gènes homologues à l’homme. Bon, j’ai aussi fait des tests sur d’autres animaux mais mieux vaut éviter que cela s’ébruite.

-C’est très impressionnant. Cependant, l’humain qui est touché par ce rayonnement ionisant ne subira aucune transformation ou dysfonctionnement cellulaire. Il est impossible de changer un génome adulte. Les naissances turnes ne cessent d’augmenter dû au taux de radioactivité montant en pic. Pourquoi ? Parce que l’oxygène produit sous le dôme n’a jamais augmenté alors que l’émission de la toxine, elle, monte en flèche.

Je bois une nouvelle fois dans mon verre avant de reprendre.

-Comme vous l’avez dit plus tôt, le WIBE augmente lorsque les turnes utilisent leur gène. L’espérance de vie n’ayant pas baissé, un turne va continuer à produire de la toxine tout au long de sa vie et la quantité varie selon le gène et l’organe concerné. Bref, ce rayonnement ionisant affecte les humains à l’état embryonnaire, et seulement eux.

On ne peut toucher aux gènes d’une personne déjà formée, ce n’est donc pas un bipède adulte qui portera et transmettra ce gène à l’enfant, c’est les gènes qui commencent à se constituer dans l’embryon qui seront altérés, modifié et qui engendreront une aberration génétique. C’est ce que mes expériences m’ont fait conclure. J’ai également pu observer des cas à l’hôpital. Comment se fait-il que deux parents humains puissent engendrer un monstre ? Et la réciprocité peut également arriver. Voilà pourquoi j’en suis arrivée à ce résultat. Je dépose mon verre, le remplaçant par ma cigarette qui se consumait lentement dans le cendrier.

-Tout cela reste de la théorie mais malheureusement, ces propos n’aident pas à trouver de solution miracle. Nous sommes assez limités niveau ressources sous cette grande boule protectrice. Les recherches à l’extérieur du dôme restent très périlleuses et certaines expéditions ne nous ramènent rien. Pourtant, il y a énormément de chemin à emprunter pour arriver à une solution : les plantes, les animaux, un vaccin, une implantation cellulaire, les machines…

Je tourne légèrement la tête, pointant de ma cigarette le fameux appareil que j’ai réparé plus tôt.

-Photosynthèse mécanique améliorée, capable de transformer la toxyne émise par 5 turnes en oxygène. Malheureusement, impossible à reproduire à l’échelle du dôme pour manque de matériaux.

Je lâche un léger soupire.

-J’ai lu un article publié par Sora Akai qui parlait de prendre le chemin inverse à celui que prend la FATE. Pourquoi ne pas rendre les humains, turnes ? C’était très intéressant comme résonnement. En prenant en compte que le rayonnement ionisant transforme un embryon humain, en embryon turne, nous pourrions faire en sorte que toutes les prochaines naissances deviennent turnes. Cependant, ce processus condamne tous les humains qui ont dépassé le stade embryonnaire, et la mort arriverait rapidement puisque l’oxygène deviendrait de moins en moins respirable pour eux. Ce n’est pas très éthique.

J’ai essayé de chercher cet Sora Akai mais c’est un nom d’auteur, malheureusement. J’attrape une petite crevette qui me faisait de l’œil depuis un moment déjà. Quel délice.

Ma cigarette se consume lentement dans le cendrier. Après la première inspiration, je n'y ai plus touché. Je n'en ressens pas le besoin, je suis bien trop près d'atteindre quelque chose de bien plus plaisant avec ce qui se passe dans mon cerveau. Un sujet plutôt basique mais, poussé à fond, et surtout, pas encore assez étudié pour qu'un côté ou l'autre de la conversation puisse encore avoir des certitudes viables...

-C’est très impressionnant. Cependant, l’humain qui est touché par ce rayonnement ionisant ne subira aucune transformation ou dysfonctionnement cellulaire. Il est impossible de changer un génome adulte. Les naissances turnes ne cessent d’augmenter dû au taux de radioactivité montant en pic. Pourquoi ? Parce que l’oxygène produit sous le dôme n’a jamais augmenté alors que l’émission de la toxine, elle, monte en flèche. Comme vous l’avez dit plus tôt, le WIBE augmente lorsque les turnes utilisent leur gène. L’espérance de vie n’ayant pas baissé, un turne va continuer à produire de la toxine tout au long de sa vie et la quantité varie selon le gène et l’organe concerné. Bref, ce rayonnement ionisant affecte les humains à l’état embryonnaire, et seulement eux.

Aucune transformation? Je ne suis pas d'accord avec elle. Les mutations génétiques peuvent survenir spontanément d’une génération à l’autre sans cause apparente, ce qui est le cas des turnes, qui naissent avec, indépendamment de si ses parents sont humains ou turnes, mais elle peut aussi être causées par des facteurs environnementaux, comme la pollution atmosphérique ou les radiations, bien que ce soit plus rare et souvent, plus bénin. Combien toutefois de cas de désastres nucléaires ont-ils rendu des populations entières stériles? Sans aller jusque-là, je reste fermement sur ma théorie selon laquelle les personnes ionisées par la toxine turne, ne vont certes pas se changer en turne spontanément, mais seront plus a même de donner naissance, à leur tour, à un turne.

Peu importe que je le lui explique ou non maintenant. Ce n'est pas l'angle qui l'intéresse, et je n'ai de toutes façons pas les éléments ou le matériel pour le lui prouver maintenant. Elle reprend directement sur l'élimination de ladite toxine.

-Tout cela reste de la théorie mais malheureusement, ces propos n’aident pas à trouver de solution miracle. Nous sommes assez limités niveau ressources sous cette grande boule protectrice. Les recherches à l’extérieur du dôme restent très périlleuses et certaines expéditions ne nous ramènent rien. Pourtant, il y a énormément de chemin à emprunter pour arriver à une solution : les plantes, les animaux, un vaccin, une implantation cellulaire, les machines… Photosynthèse mécanique améliorée, capable de transformer la toxyne émise par 5 turnes en oxygène. Malheureusement, impossible à reproduire à l’échelle du dôme pour manque de matériaux.

Elle me montre une machine sur laquelle elle était en train de travailler. Pas le genre de hobby auquel on s'attendrait de la part d'une chirurgienne. Peut-être qu'un jour, la bioingénierie robotique aura suivi le chemin du transhumanisme à un point auquel les deux métiers pourront s'apparenter l'un à l'autre, mais pour le moment, robotique et chirurgie ne sont pas tout à fait sur le même cursus. Ceci dit, j'imagine déjà quels éléments pourraient être utilisés pour arriver à ce qu'elle a fait. Mes yeux reprennent leur couleur argentée un moment, quelques secondes, pendant que j'observe la machine. Et rapidement, j'en viens à la conclusion que la quantité de glycoprotéine labique nécessaire reviendrait à utiliser un système TA totalement surréaliste pour imaginer l'appliquer à grande échelle, ou même à échelle d'une seule personne tout au long de sa vie. D'autant que si la transformation chimique pourrait effectivement détruire le WIBE pour créer de l'oxygène, elle laisserait probablement de la matière radioactive  derrière elle.

-J’ai lu un article publié par Sora Akai qui parlait de prendre le chemin inverse à celui que prend la FATE. Pourquoi ne pas rendre les humains, turnes ? C’était très intéressant comme résonnement. En prenant en compte que le rayonnement ionisant transforme un embryon humain, en embryon turne, nous pourrions faire en sorte que toutes les prochaines naissances deviennent turnes. Cependant, ce processus condamne tous les humains qui ont dépassé le stade embryonnaire, et la mort arriverait rapidement puisque l’oxygène deviendrait de moins en moins respirable pour eux. Ce n’est pas très éthique.

Je me raidis un peu au moment où elle parle de Sora Akai, mais finalement, elle n'a pas l'air de se rendre compte que c'est un de mes alias. J'imagine que des turnes seraient arrêtés pour conspiration pour moins que ça si on découvrait qu'ils colportaient ce genre de choses. Mais encore une fois, elle part sur une base avec laquelle je ne suis pas d'accord; les embryons ne sont pas "transformés" d'humains en turnes, ils naissent turnes. C'est pour moi le degré de variation dans le génome parental qui est à l'origine de la naissance d'un embryon évolué ou non.

-Non, bien sûr, il ne s'agit pas de "forcer" tous les enfants à être turnes, sans compter que ce ne serait pas très éthique non plus. Euh, j'ai lu aussi ses articles, je pense qu'il cherchait plutôt un moyen, plutôt que d'inhiber le WIBE, d'adapter l'être humain pour qu'il puisse le respirer sans problèmes.

J'ai reçu pas mal de lettres des journaux et des magazines dans lesquels j'écris, me demandant de prendre contact avec telle ou telle personnalité du monde scientifique, et j'ai toujours ignoré les requêtes. Même eux ne savent pas mon vrai nom, ni mon âge ou le fait que je sois turne, d'ailleurs.

-J'ai déjà imaginé un sérum qui agirait directement sur la partie du cerveau responsable des mutations. Je n'ai jamais eu les moyens de concrétiser ma formule mais si elle s'avérait efficace, je pense que ça ouvrirait la porte à d'autres expérimentations en lien avec le gène HED-1.

Le fameux gène appelé par son découvreur "Humankind Escape Door One". J'ai toujours rêvé d'avoir le matériel pour créer ce fameux sérum, mais je n'ai jamais réussi à voler assez de matériel au NEST pour fabriquer ces nutriments intracérébraux unicellulaires sérothérapiques. mes quelques essais se sont révélés faussés par la qualité des outils que j'avais à ma disposition...

En tout cas, le problème qu'elle cherche à résoudre ne peut pas l'être directement, les données manquantes sont encore bien trop nombreuses. Il s'agit de recherche scientifique, soit un domaine dans lequel on est forcés d'avancer à pas de loup, contrairement à la mécanique ou à l’électronique, matières dans lesquelles la découverte d'un élément précis peut débloquer d'un seul coup une véritable nouvelle ère technologique.

Elle se raidit après mes mots. Que se passe-t-il ? Peut-être n’est-elle pas d’accord avec mes propos ? Ou cette théorie lui fait froid dans le dos ? C’est vrai qu’elle peut être choquante mais c’est un des chemins qui pourrait être emprunté si aucune solution n’est trouvée rapidement. Un genre de plan extrême qui radierait la race humaine de la surface du globe, ou du moins, de sous le dôme. Mais qu’arriverait-il si ces aberrations génétiques sont les seuls bipèdes encore debout ? Les grosses structures, entreprises, sont gouvernés par des humains, les turnes seront incapables de tenir la société en vie puisqu’ils manquent cruellement d’expériences pour tout cela. Sur le long terme, les cloportes disparaitraient également ou finiraient par régresser. Enfin, ce n’est qu’une hypothèse parmi tant d’autres.

-Non, bien sûr, il ne s'agit pas de "forcer" tous les enfants à être turnes, sans compter que ce ne serait pas très éthique non plus. Euh, j'ai lu aussi ses articles, je pense qu'il cherchait plutôt un moyen, plutôt que d'inhiber le WIBE, d'adapter l'être humain pour qu'il puisse le respirer sans problèmes.

Elle pense ? Pourtant elle a l’air bien sûr de cette information. Chaque point de vue est bon à prendre. Adapter l’humain ? Des mots d’une simplicité qui cachent toute une complexité derrière. La toxine étant en hausse constante, l’humain n’aura pas le temps de s’adapter malheureusement. Les cas d’insuffisances respiratoires ne cessent d’augmenter, c’est un fait.

-J'ai déjà imaginé un sérum qui agirait directement sur la partie du cerveau responsable des mutations. Je n'ai jamais eu les moyens de concrétiser ma formule mais si elle s'avérait efficace, je pense que ça ouvrirait la porte à d'autres expérimentations en lien avec le gène HED-1.

C’est sacrément culotté ! Je laisse échapper un petit rire avant de finir mon verre. Combien d’expérimentations avant nous fait pour arriver à des théories douteuses ? Beaucoup trop mais malheureusement, l’échec fait partie du quotidien des scientifiques, il faut savoir prendre notre mal en patience pour arriver à des résultats positifs qui nous permettront de trouver une solution au problème.

-Je pense que vous êtes la personne la plus apte pour élaborer une solution à tout ceci.

Je me resserre un énième verre, me relevant par la suite, un joli sourire aux lèvres. Cette jeune femme causera notre perte ou inversement, j’en suis persuadée. C’est un pari risqué que de miser sur un parasite pour sauver le sort de l’humanité, mais malgré le fait qu’elle soit une aberration génétique, je ne peux m’empêcher de l’admirer. Amusant, n’est-ce pas ? J’attrape un amuse-bouche avant de laisser mes pas se diriger à l’inverse opposé de ma chambre.

-Suivez-moi.

Son cerveau est capable de faire des connections logiques à une vitesse complétement différente de celle d’un cerveau classique. Elle m’a démontré tout ceci à l’infirmerie, il lui suffit d’avoir le matériel adéquat et une personne avec des connaissances assez poussées pour l’épauler. Pourquoi pas. Je m’arrête devant une porte accordée à celles des autres pièces, à première vue, seulement celle-ci est complétement différente des autres. Une encoche s’ouvre et laisse apparaitre un scanner rétinien. Je positionne mon œil droit face à ce dernier, qui engendre l’apparition d’un dispositif d’identification d’empreinte digitale. La porte finit par s’enclencher et mon laboratoire personnel apparait sous nos yeux lorsque la lumière jaillit dans la pièce.

-Bienvenue chez vous, mademoiselle Reid.

Tout ce qui se trouve dans cette salle est dernier cri avec pour la plupart, quelques améliorations personnelles en prime. C’est l’une de mes pièces préférées de cet appartement. Il faudrait peut-être que je l’agrandisse encore un peu ? Nous verrons cela plus tard.

-Je pense que vous êtes la personne la plus apte pour élaborer une solution à tout ceci.

Elle a l'air ravie de m'annoncer ça. Pourtant, il y a en même temps quelque chose de... J'en sais rien. Inquiétant? Non... Morbide? dans sa voix... Elle sourit, elle est dans son élément. Des discussions qui décident de la vie ou de la mort de centaines de personnes, avec une coupe de martini à la main... Et un petit four aux lèvres. Moi... Je me sens écrasée par le poids des implications du moindre des mots qui sortent de nos bouches. Quand elle se lève, j'ai presque l'impression qu'elle part appuyer sur un bouton qui libèrera un gaz mortel aux turnes dans la ville. Qui est-elle pour sembler avoir autant d'autorité, de droit de décision? Mais, non, elle par simplement vers une des pièces de son... "Appartement".

-Suivez-moi.

Elle passe un scan rétinien, puis digital... Et devant moi s'ouvre un palais des merveilles. Un laboratoire complètement équipé de matériel dernier cri, stérilisé et rutilant.

-Bienvenue chez vous, mademoiselle Reid.

Je n'ai pas le temps de m'extasier qu'elle me lâche cette phrase. "Chez moi"...? J'aurais été complètement partante si elle m'avait sorti un contrat de travail - même avec une paye moyenne - pour bosser dans un laboratoire personnel, voire excentré de la FATE. Mais... Une pièce, fermée par deux bioscanners, dans l'appartement d'une tête de la FATE...? Elle pouvait avoir tout l'équipement dont je pouvais rêver, il était hors de question que je remette la tête moi-même dans une cage dorée semblable à celle où leur fondation m'avait déjà enfermée une dizaine d'années...

-Woah... Une centrifugeuse gamma 5 à rotors souples, des étuves universelles de 32 litres à convection naturelle, avec programmateur, et des bains thermostatés à ceuve en polycarbonate, des enceintes climatiques et hygrométriques à régulation active, et des thermoplongeurs... Vous avez de quoi rendre jaloux l'ensemble des hôpitaux de la Banlieue!

J'avance dans son antre. Je suis déjà super mal à l'aise, je sais que je vais devoir refuser son offre. Comment va-t-elle réagir? Est-ce que je devrais me placer près de la porte? Elle ne va quand même pas m'enfermer ici, non? J'ai l'impression d'être déjà poings liés... Je me frotte le poignet. J'en profite pour vérifier que j'ai bien du réseau, et préparer un message sur mon nanocom.
-Par contre... Qu'est-ce que vous voulez dire par "chez moi"? C'est chez vous... Ce n'est même pas un laboratoire privé, c'est juste une de vos pièces. Même si c'est probablement le terrain de jeux ultime de mes fantasmes, je me vois mal débarquer chez vous avec un échantillon de vos yeux... Et de vos doigts.

J'espère que ça passera mieux avec de l'humour. Je cherche le majordome du regard, mais il est de toutes façons probablement totalement dévoué à Lexy. J'avoue ne pas bien comprendre comment un membre si éminent de la FATE a réussi à se frayer un chemin dans le personnel du NEST...

Elle n’a toujours pas l’air très à l’aise ici mais ce laboratoire semble lui plaire. Elle avance lentement dans la pièce, découvrant tout le matériel présent à l’intérieur.

-Woah... Une centrifugeuse gamma 5 à rotors souples, des étuves universelles de 32 litres à convection naturelle, avec programmateur, et des bains thermostatés à ceuve en polycarbonate, des enceintes climatiques et hygrométriques à régulation active, et des thermoplongeurs... Vous avez de quoi rendre jaloux l'ensemble des hôpitaux de la Banlieue!

J’aime l’enthousiasme dont elle fait preuve. C’est loin d’être une débutante, elle reconnait parfaitement les machines peuplant la salle. Il est vrai que je me suis fait plaisir pour ce laboratoire, après tout, c’est le mien.

-Par contre... Qu'est-ce que vous voulez dire par "chez moi"? C'est chez vous... Ce n'est même pas un laboratoire privé, c'est juste une de vos pièces. Même si c'est probablement le terrain de jeux ultime de mes fantasmes, je me vois mal débarquer chez vous avec un échantillon de vos yeux... Et de vos doigts.

Je me mets à rire. Voyons Skye, soyez patiente. Je suis la seule à pouvoir entrer dans cette pièce mais je peux également donner l’accès à ces lieux à qui bon me semble.

-Vous pourrez venir ici quand vous le désirerez. Je vais paramétrer l’accès pour vous et prévenir Taylor, ainsi que les colosses du couloir pour qu’il vous laisse passer peu importe l’heure.

Je bois une gorgée de mon succulent whisky, déposant mon verre sur un comptoir du labo.

-Je suis bien consciente que vous n’êtes encore qu’une étudiante, que vous devez consacrer essentiellement votre temps à vos études, mais vous ne seriez pas contre un contrat de travail ici ?

J’appuie sur un bouton présent sous ce fameux comptoir où réside mon verre, ce qui baisse la luminosité de la salle pour faire apparaitre sur les murs blancs, des projections de certaines de mes expériences. L’embryon de souris normales qui est mutant, l’embryons de souris mutantes qui est normal et un embryon normal exposé à une certaine dose de radiation devenant mutant.

-Vous pourrez fouiller dans différents de mes dossiers comme celui-ci par exemple. Je serais là pour vous épauler si vous avez besoin. J’avoue ne pas avoir beaucoup de temps libre avec mon travail au NEST puis à la FATE mais je suis prête à en consacrer avec vous.

Je reprends mon verre pour y tremper mes lèvres avant d’appeler mon majordome qui rapplique avec un contrat de travail. Je le tends à la jeune femme avant de reprendre.

-Vous serez payé à l’heure. Dès que vous franchirez la porte de mon appartement, le décompte commencera et votre rémunération se fera en conséquence.

Je lui fais un doux sourire. Sur le contrat, le montant de sa rémunération est inscrit, et pour une étudiante, il est impossible de gagner davantage que ce que je lui propose. Je ne pense pas que l’argent soit ce qui prime pour elle, mais c’est sûrement un bon moyen de motivation pour son âge.

-Je vous laisse le temps de réfléchir à ma proposition, je n’attends pas de réponse immédiate.

-Par contre... Qu'est-ce que vous voulez dire par "chez moi"? C'est chez vous... Ce n'est même pas un laboratoire privé, c'est juste une de vos pièces. Même si c'est probablement le terrain de jeux ultime de mes fantasmes, je me vois mal débarquer chez vous avec un échantillon de vos yeux... Et de vos doigts.

Elle rit de ma question... Je n'aime pas du tout l'ascendant qu'elle peut avoir sur moi ici, "chez elle". Je me sens comme une putain de souris dans un labyrinthe. D'un autre côté, tout ce matériel... Et puis, je pourrai facilement trouver un moyen de me soustraire à ses griffes; nul doute qu'il y a des caméras de sécurités, au moins aussi nombreuses que ses vigiles. Mais à partir du moment ou je peux configurer une connexion au DomeWeb, non traçable bien sûr, je pourrai toujours faire des sauvegardes de mes travaux... Pourquoi je me méfie d'elle? J'en sais rien. Peut-être parce qu'elle a "FATE" écrit en gros sur le front?

-Vous pourrez venir ici quand vous le désirerez. Je vais paramétrer l’accès pour vous et prévenir Taylor, ainsi que les colosses du couloir pour qu’il vous laisse passer peu importe l’heure. Je suis bien consciente que vous n’êtes encore qu’une étudiante, que vous devez consacrer essentiellement votre temps à vos études, mais vous ne seriez pas contre un contrat de travail ici ?

Consacrer du temps à mes études? Fuck this! J'ai même pas besoin d'y aller, si j'avais pas besoin de terminer l'année sans m'être fait virer, pour avoir la moindre chance d'être insérée socialement au moins au même niveau qu'un citoyen lambda... Sans quoi, c'est la Bordure direct.

-Non, non, y'a aucun souci de ce côté-là, je pourrai très bien concilier les deux. Quittes à faire quelques nuits dans ce labo...

Pour moi, c'était l'équivalent d'une soirée jeux vidéo, au moins. Pourquoi me priver de lier l'utile à l'agréable? Quand elle baisse la lumière de la salle, les panneaux blancs rétroéclairés prennent le relais. Des expériences sur des animaux... C'est vrai que le niveau de l'éthique scientifique a énormément baissé depuis la découverte du HED-1, et encore, c'est peu dire. Enfin... Je peux comprendre que les expériences sur les animaux, bien qu'ils soient un luxe particulièrement rare de nos jours, aient refait surface - même si on n'en parle jamais publiquement dans les revues scientifiques. Mais bon, il y a quand même des lieues entre la théorie et son application sur un être vivant... Je doute fortement que le contenu de ce laboratoire soit d'ordre public. Comment peut-elle avoir accès à tout ça s'il s'agit de... D'un hobby?

-Vous pourrez fouiller dans différents de mes dossiers comme celui-ci par exemple. Je serais là pour vous épauler si vous avez besoin. J’avoue ne pas avoir beaucoup de temps libre avec mon travail au NEST puis à la FATE mais je suis prête à en consacrer avec vous.

Elle est à des années-lumières de l'infirmière que tout le monde a envie de visiter au NEST. Travailler avec elle m'apparaît comme une lame à double tranchant... Mais après tout, si on sait y faire attention, aucune lame ne peux être plus efficace, non...?

-Vous serez payée à l’heure. Dès que vous franchirez la porte de mon appartement, le décompte commencera et votre rémunération se fera en conséquence.

Son majordome arrive avec le contrat. Elle avait donc déjà prévu de me proposer ce travail... Je le prends, et j'en lis les grandes lignes. Un contrat apparemment banal, entre deux particuliers, si ce n'est le montant du salaire. Un étudiant ne pourrait pas aspirer à mieux, alors un Turne... C'est une offre plus qu'alléchante. Mais ce qui est trop beau pour être vrai, ne l'est souvent pas, justement... Je range le contrat dans mon sac. J'aurais tout le temps de le lire à l'appart.

-Je vous laisse le temps de réfléchir à ma proposition, je n’attends pas de réponse immédiate.

-Merci beaucoup. C'est une offre en or, je vais juste prendre le temps d'aménager mon emploi du temps avec l'Institut... Mais vous m'ouvrez une porte qui serait restée fermée à jamais pour les gens comme moi.

Les gens comme moi... Ne peuvent pas écrire leurs découvertes sans être immédiatement taxés d'hérésie ou de falsifications. D'ailleurs... Dans quelle mesure serais-je propriétaire du résultat des recherches que j'effectuerai ici? Un autre point à bien vérifier dans le contrat. Et elle... Quel est son avis là-dessus? Compte-t-elle s'approprier tout ce que je serais à même de présenter? Ça pourrait donner un certain poids à mes hypothèses de les voir affiliées au nom de Sanders, mais...

-Oh... A propos, ça pourrait peut-être poser problèmes d'évoquer d'éventuelles découvertes sous mon vrai nom?

J'ai déjà mon alias, ce problème n'en est pas vraiment un. Je tiens surtout à savoir si elle serait prête à publiquement proclamer qu'elle a pris une turne sous sa tutelle. De toutes façons, si c'est un vrai contrat, l'administration de la ville aura tôt fait d'être au courant de notre arrangement.

Elle range le contrat dans son sac, il ne sera donc pas signé ce soir. Ce n’est pas grave, elle a tout le temps pour se décider, c’est normal d’hésiter à une telle proposition. Qui pourrait gagner autant d’argent à son âge ? Personne.

-Merci beaucoup. C'est une offre en or, je vais juste prendre le temps d'aménager mon emploi du temps avec l'Institut... Mais vous m'ouvrez une porte qui serait restée fermée à jamais pour les gens comme moi.

C’est vrai qu’en plus d’être étudiante, c’est une de ces aberrations génétiques, la vie ne l’a pas gâtée. Les jeunes sont l’avenir de notre ville mais ils sont également ceux qui vont engendrer sa destruction si rien n’est fait.

-Oh... A propos, ça pourrait peut-être poser problèmes d'évoquer d'éventuelles découvertes sous mon vrai nom?

Des problèmes ? J’esquisse un petit rire avant de terminer mon verre.

-Il y en aura toujours dans la vie. Si les gens ne sont pas capables d’apprécier une découverte en se détachant de celui ou celle qui l’a faite, ce ne sont que des ignares sans grand intérêt pour la science. Les découvertes sont faites pour en engendrer des nouvelles, pour être exploitées afin d’arriver à des résultats qui aideront le monde.

Je pose une main sur l’épaule de l’étudiante, un doux sourire aux lèvres.

-Prenez le nom que vous désirez, cela m’est bien égale.

Qu’arriverait-il si la population savait que je travaillais avec une turne ? Pas grand-chose, les Sanders ont toujours étonné le monde alors tout cela n’engendrera qu’une rumeur supplémentaire à notre nom. Les médias ne me font plus peur depuis longtemps, mes parents m’ont appris depuis toute petite à les manipuler. Je jette un œil à l’horloge digitale du laboratoire.

-Il se fait tard, nous reprendrons cette discussion un autre jour.

J’éteins les rétroéclairages, faisant signe à la jeune demoiselle de me suivre. Les lumières du laboratoire disparaissent et la porte se referme derrière nous. Nous rejoignons le salon, je dépose sur la table basse mon verre vide, plongeant mon regard dans celui de l’étudiante.

-Je pense réellement ce que je vous ai dit, vous êtes la personne qui trouvera une solution à tout ceci, j’en ai la certitude.

Et si vous ne l’êtes pas, il y aura toujours une place sur la table d’opération. Non, il ne faudrait pas gâcher un tel potentiel intellectuel, voyons.

Elle semble vraiment avoir un rapport très... Déformé avec l'argent. Enfin, j'imagine que c'est essentiellement une différence de point de vue. Pour quelqu'un comme moi, qui peine à trouver un travail stable et à payer un loyer, au point de terminer dans une colocation, ce genre de personnes représente un véritable ovni.

Elle rit un peu à l'évocation des problèmes que je pourrais rencontrer en utilisant ma vraie identité.

-Il y en aura toujours dans la vie. Si les gens ne sont pas capables d’apprécier une découverte en se détachant de celui ou celle qui l’a faite, ce ne sont que des ignares sans grand intérêt pour la science. Les découvertes sont faites pour en engendrer des nouvelles, pour être exploitées afin d’arriver à des résultats qui aideront le monde.

Certes, mais je risque tout de même plus en me montrant comme la personne que je suis réellement... Notamment avec la FATE, si quelqu'un fait le lien avec ma "soudaine limite" que j'ai feinte à l'époque où ils me retenaient pour me faire travailler sur leurs formules. Qu'ils pensent que je les ai trompés ou que mon "talent" a évolué, je risque au mieux de me retrouver à nouveau derrière leurs vitres teintées. Elle pose une main sur mon épaule.

-Prenez le nom que vous désirez, cela m’est bien égal. Il se fait tard, nous reprendrons cette discussion un autre jour.

Elle éteint la salle et je la suis en dehors du labo. Nous retournons dans le salon après une véritable promenade, dans ce qui pourrait presque être un hall d'hôtel. Quand elle pose son verre, puis son regard sur moi, je sens quelque chose d'acéré dans ses yeux. Comme une franchise qui cacherait un revers de médaille.

-Je pense réellement ce que je vous ai dit, vous êtes la personne qui trouvera une solution à tout ceci, j’en ai la certitude.

-Je compte bien faire de mon mieux, mais j'ai presque toujours travaillé seule jusqu'ici. Ne vous étonnez pas si mes méthodes sont... euh... spéciales.

Elle est très différente de l'infirmière que les gens connaissent au NEST, mais je ne la vois pas non plus comme une laborantine qui pourrait travailler derrière mon épaule. Ni même comme un professeur particulier. Elle a un grand nombre de qualités, en matière de recherches, c'est indéniable, mais rien que le fait qu'elle parvienne à cacher cette facette de sa personnalité en public prouve qu'elle pourrait tout aussi bien cacher beaucoup d'autres choses encore... Je ramasse mon sac et le balance sur mon épaule. C'est bête, mais je suis plutôt soulagée de quitter ce palais de glace.

-Bon, ben je vais y aller alors. Merci encore pour cette proposition. Je pourrai venir directement vous voir à l'infirmerie...?

-Je compte bien faire de mon mieux, mais j'ai presque toujours travaillé seule jusqu'ici. Ne vous étonnez pas si mes méthodes sont... euh... spéciales.

Spéciales ? Que veut-elle dire par là ? Je le découvrirais bien assez vite quand le contrat sera signé, j’imagine. J’en attends énormément de cette étudiante, j’espère qu’elle sera à la hauteur.

-Bon, ben je vais y aller alors. Merci encore pour cette proposition. Je pourrai venir directement vous voir à l'infirmerie...?

A l’infirmerie ? Mon appartement ne lui plait pas ? Certes, il sera plus simple de me faire parvenir la signature au NEST puisqu’elle y est toute la semaine, mais le lieu où nous nous trouvons deviendra très bientôt son endroit de travail, il faudra qu’elle s’y habitue. J’aurai pu l’emmener à la FATE aussi, mais mes collègues ne sont pas friands d’étudiants et surtout pas une turne. Qu’arriverait-il si elle passait d’employé à cobaye ? Je perdrai sûrement le meilleur élément de toute ma vie et cela, je ne peux y songer.

-Bien entendu, prenez votre temps.

Je raccompagne la jeune femme jusqu’à la porte d’entrée.

-A très bientôt j’espère.

Un doux sourire puis la porte se referme, faisant disparaitre la silhouette de l’étudiante. Mon sourire se transforme, il devient mesquin. Qu’est-ce que je prépare ? Qui sait.

-Je vous laisse débarrasser la table Taylor, j’ai du travail.

-Très bien mademoiselle.

Je me dirige vers mon laboratoire personnel pour continuer une expérience délaissée depuis un trop long moment.