Ira Furor Brevis Est.

Le sol est humide. L'asphalte froid qui supporte les centaines de passages à l'heure des voitures électriques de la ville me gèle les pieds nus. Je regrette déjà d'être sortie, mais c'était hors de question que je reste à ne rien faire dans l'appartement. Dans son, dans NOTRE appartement. Mes yeux redeviennent argentés, encore. Mes neurones essayent de planifier quelque chose, mais je bois quelques gorgées de la bouteille de vodka que j'ai emmenée, et lentement, ils reprennent leur couleur dorée. Je tue mon cerveau. Ça aussi, c'est Kelya qui me l'a appris. L'effet de l'alcool sur les cellules neuronales est narcotique, et ralentit la communication des synapses. Dans mon cas, il permet de me maintenir à l'état de non-turne. La perte de tissu cérébral qui s'en découlera risque d'être impressionnante, elle aussi.

Merde... Je la sens encore allongée sur moi. Elle s'est barrée tellement vite. Sans un mot. Et moi... Je ne me reconnais pas. Ce n'est "que" Kelya, pas vrai? Pourquoi je me laisserais entraîner dans ses histoires. Parce qu'on s'est embrassées? Parce qu'on a couché ensemble? parce qu'on vit ensemble? Parce que je l'aime?

Peut-être pour toutes ces raisons. Pourtant, je sais comment elle fonctionne. Ca fait je sais pas combien d'années qu'on est au NEST toutes les deux. Qu'on partage... Non, que je domine le podium et qu'elle me talonne. Mon cortex frontal m'envoie des signaux contradictoires. Résolution des problèmes, maîtrise de soi, comportement en société, raisonnement. J'ai envie de cogner un passant qui me regarde de travers. Puis, d'embrasser le prochain. Et de le cogner. De la cogner, elle. Puis, de l'embrasser. Je secoue la tête, et j'ai l'impression de secouer toute la rue avec moi. Si ça se trouve, elle n'est pas loin. Je n'ai aucune idée de la direction qu'elle a prise. Je ne suis quand même pas sortie pour ça? Pour la rejoindre? Merde, elle fait bien ce qu'elle veut. De toutes façons, je sais où la trouver... J'ai son adresse.

J'ai un rire cynique. Si je me maquillais, j'aurais l'air d'un cliché de victime de films holywoodiens, avec le rimmel étalé sur les joues par les larmes. Putain. Reprends-toi, Skye. C'est ça, un bad trip? Je n'ai même pas pris de drogue. Enfin, rien d'autre que de l'alcool. J'imagine que ça ne fait pas bon ménage avec les stimuli émotionnels négatifs. Merci pour ça, le gorille. Quand je pense qu'une minute avant, on allait... Et ça, est-ce qu'elle le sait, l'autre? Le pire, c'est qu'à cause de son action sur l'hippocampe, les souvenirs ne sont plus transférés depuis la mémoire à court terme jusqu'à la mémoire à long terme. En d'autres termes, il y a des chances qu'elle ne se souvienne même plus de m'avoir laissé tomber. Pire, qu'elle ne se souvienne plus m'avoir embrassé. Juste avant son "rendez-vous".

Elle fait ce qu'elle veut. C'est peut-être même ce qui la définit. C'est aussi pour ça qu'elle m'intéressait autant, quand je la compare aux assemblées grégaires des autres imbéciles du NEST. Elle est tellement libre. Et moi... Tellement perdue. Je relève la tête. Je n'ai aucune idée de la rue dans laquelle je suis, j'ai même perdu la notion du district ou je pourrais être... J'ai pas l'impression d'avoir avancé vers le NEST, puisque je ne reconnais rien. Je devrais peut-être demander à la prochaine personne que je croise...

Zack errait dans les rues de Central Point.

Il sortait du "Dojo", une petite salle assez miteuse où il pratiquait le Muay Thaï.
Il en était arrivé à un tel niveau qu'il prenait toujours le professeur en partenaire, encore plus lors de "simulation réelle".
Les autres ne voulaient pas vraiment affronter Zack... Et le prof lui permettait d'y aller à fond.
Quant à qui gagnait ? Le prof.
Zack avait tendance à sortir des limites dans les combats, se mettant à pratiquer du "Free fight", un autre sport qu'il faisait. Le concept ? Se battre, peu importe le style de combat.
Du coup, c'était éliminatoire.
Mais même sans ça, pas sûr qu'il gagne.

Il était donc dehors, à se promener, avec ses ecchymoses.
Le prof cognait sec, pas de pitié avec Zack. Ca les faisait marrer.
Le prof lui avait proposé de participer à un tournoi officiel de quartier... A voir.
L'idée était tentante mais ça demandait à monter sur le ring, à la lumière de tous, enfin des quelques personnes présentes.
Mais Zack préférait rester dans l'ombre. Le tournoi clandestin de "Free Fight" l'intéressait beaucoup plus. Et celui-ci aura lieu dans quelques jours.
Déjà, parce que c'était plus amusant, puis il y avait moyen de se faire un paquet de tunes, encore plus avec les paris.
Il préviendrait Kelya... Pour sûr qu'elle voudrait venir.

Il marchait donc, dans les rues de Central Point, un joint à la main, son sac de sport dans l'autre.
Penser à Kelya lui donnait l'envie de la revoir. Il s'arrêta et se posa sur un banc, pour lui envoyer un message.
Ils ne s'étaient pas vus depuis leur première rencontre. Zack avait envie de proposer une sortie, histoire de parler "affaire", entre autres.
Si la soirée pouvait dégénérer comme la précédente, il ne dirait pas non.

Il marchait donc dans les rues de Central Point.
Rues plutôt désertes, ce qui était assez inhabituel mais pas désagréable. Il avait l'impression d'avoir la ville rien que pour lui.
Ah non... Il y avait quelqu'un.

Zack fronça les sourcils en voyant la personne.
Jeune femme, peu vêtue, pieds nus... Et une bouteille à la main ? Pas un jus de fruit, à priori.
C'était pas... Courant.
Ca réveilla son "lui flic", un lui flic dont il s'était débarrassé quelques heures avant, lorsqu'il avait pénétré dans le Dojo.

Il s'avança vers elle, elle qui semblait complètement pétée.

- Hey... Ca va ?

Phrase prononcée de son habituelle voix rauque.
Il s'était néanmoins arrêté à quelques mètres d'elle, histoire qu'elle ne prenne pas peur.
Un colosse avec des bleus, rencontrés à cette heure-ci... Et un joint à la main, ce n'était pas forcément rassurant.

Je regarde à gauche, à droite. Les noms des enseignes en néons se reflètent dans les vitrines, mais aucun ne me parle. Non, décidément, je ne sais pas du tout où je suis... Bon. Réfléchissons. Non, j'ai trop mal à la tête... Je pensais que l'air me ferait du bien, mais ce n'est jamais que de l'air recyclé, encore et encore, réinjecté dans le dôme par des bornes situées un peu partout. Comme si on vivait dans un immense climatiseur.

Un type s'approche de moi. Il est énorme. J'espère que je vais pas me faire braquer. Attends, de toutes façons, il braquerait quoi, j'ai que dalle. Ou alors, il en veut à mon cul... Bah, il suffit que j'utilise mon gène pour... Oh... Ma tête. Ouais, bon, ça va pas être une option, pour le moment...

- Hey... Ca va ?

Il a mangé un bar-tabac avant de parler, ou quoi? D'où il m'adresse la parole? Et pourquoi il reste à dix mètres, là, je pue ou quoi? Attends... A bien y regarder, il est bizarre, ce type. Il est couvert de bleus... Il s'est fait défoncer dans une ruelle? Mouais, ses fringues ont pas l'air déchirées ni rien... Putain, c'est hyper louche. Qu'est-ce que je fous ici?

- Qu'est-ce que tu me veux, toi ?

Je lui aboie dessus, en me redressant un peu. C'est marrant comme, moins le cerveau est en état de fonctionner, plus on se rapproche des comportement primaux des bêtes, comme l'ours dressé sur ses pattes arrières pour impressionner l'ennemi. Enfin, j'ai pas grand chose d'un ours. Lui, par contre... Et je sais pas ce qu'il fume, mais l'odeur est... Entêtante.

- Tiens, tu saurais pas où on est, par hasard ?

Bien joué, Skye. Pose les questions APRÈS avoir agressé les gens, c'est sûr que ça va bien marcher. En plus, il n'y a plus que lui dans la rue, j'imagine qu'à cette heure, les honnêtes citoyens ne se baladent pas dehors et restent chez eux... En tout cas, celui-ci a l'air d'avoir les yeux blancs. Un pré-évolué. Il ne doit pas encore avoir vu mes yeux sous leur forme turne, ca m'évitera peut-être de finir dans le caniveau, qui sait.

- Qu'est-ce que tu me veux, toi ?

Elle avait l'air assez consciente de l'environnement et du contexte pour ne pas se laisser faire.
Meme dans sa posture, passant d'un état d'épave explicite à une posture plus droite et théoriquement plus menaçante.
Après, l'idée de "conscience" restait tout à fait relative. Se faire menaçante face au colosse, ce n'était pas forcément la meilleure des idées.
Mais elle était couillue.

- Tiens, tu saurais pas où on est, par hasard ?

Bon, ce n'était pas commun de menacer puis de poser une question sur un ton plus neutre. Mais ça restait logique.

Zack jeta un coup d'oeil à ses pieds, pour les voir noircies par l'état plus ou moins délabré des rues.
Depuis combien de temps marchait-elle ?
Il ne l'avait jamais vu dans le coin, certainement qu'elle devait venir d'autre part. Ca expliquerait sa question et le fait qu'elle n'ait rien eu, elle venait à peine de pénétrer la zone C-4,
Avant de lui répondre, le colosse tira une nouvelle latte de son joint, puis désigna un pan de mur de l'autre côté de la rue. Il y avait un tout petit panneau indiquant la zone.

- Tu viens de pénétrer la zone C-4... Tu te serais pas un peu perdue, des fois ?

Et par "perdue", il disait bien ça géographiquement, avec un léger sous-entendu.
Moins léger et moins sous-entendu quand il désigna la bouteille.

- Tu devrais faire gaffe à pas trainer ici dans cet état. Y a des gens pas scrupuleux qui hésiteraientt pas. Manquerait plus que tu sois turne et ça serait le pompom, tu vois ?

D'un ton neutre, faisant l'était d'un simple constat, Zack rappelait le trop grand nombre d'enlèvements des mutants de ces derniers temps. Beaucoup trop grand.

- T'as rien au moins ? Pas de blessures ?

Il l'avait observé et n'avait, à priori, remarqué aucune trace de sang ou autres. La jeune femme semblait juste errer.

Quant à lui, il se fit craquer la nuque, un resrte de sa séance, tout en poussant un soupir de soulagement en sentant le dit craquement.
Il porta à nouveau son joint à la bouche, tandis qu'elle regardait la "cigarette" avec un air... d'envie ou de curiosité, difficile à dire.

Il tire sur son truc avant de répondre. La vache, cette odeur. J'essaye de recouper dans mes connaissances, mais mon cerveau est pas au mieux de sa forme. Enfin, pas non plus besoin d'être Dusk pour comprendre que c'est pas du tabac. Je dois regarder depuis un moment son joint, parce qu'il me matte de la tête aux pieds comme si j'étais dingue. En même temps, je suis pieds nus. Je me sens un peu honteuse, du coup... Et putain, ça m'énerve. D'où il me juge? J'ai ptête été violée par une chaussure quand j'étais môme, t'as pas ton mot à dire!

- Tu viens de pénétrer la zone C-4... Tu te serais pas un peu perdue, des fois ?

Je regarde le panneau qu'il me montre. C-4. Merde... Je suis dans la Bordure? J'étais pourtant sûre d'être encore dans la Banlieue... J'imagine qu'on est à la jonction des deux... Enfin, maintenant que j'y fais attention, l'ambiance est clairement pas ouf. Et cette phrase... C'est quoi, le grand méchant loup? On dirait une punchline d'un conte pour enfants à la morale douteuse.

- Tu devrais faire gaffe à pas trainer ici dans cet état. Y a des gens pas scrupuleux qui hésiteraient pas. Manquerait plus que tu sois turne et ça serait le pompon, tu vois ?

-Le pompon, il t'encule.

J'avoue, celle-là, elle est sortie avant que j'aie pu y faire quoi que ce soit. C'est vraiment une expérience nouvelle, que les mots aillent plus vite que ma pensée. Je suis en train d'imaginer une course entre les deux. Je sais même plus ce qu'il a dit avant "pompon", de toutes façons.

- T'as rien au moins ? Pas de blessures ?

Et il se fait craquer la nuque. Il veut se battre? J'suis chaude moi, je le défonce quand je veux, il suffit que j'anticipe ses mouvements en regardant le déplacement de ses muscles quand... Woh... J'ai failli me vautrer. Je me redresse, avec ce qui me reste de fierté.

-J'sais pas, t'as qu'à vérifier.

Putain, j'suis vraiment conne. Mais j'ai tellement de... de COLÈRE à faire sortir! J'ai envie de lui foutre un coup de pied. Ce qui serait stupide, je suis pieds nus et il a l'air taillé dans une matière qui me pèterait les orteils si je...
Oh. On dirait que j'ai encore agi plus vite que j'ai pensé. Je lui ai lancé un coup de pied totu faiblard dans la cuisse, genre effet zéro. Et au passage, je me vautre à moitié. T'es misérable, Skye. T'es qu'une merde. Et t'as eu tort de penser le contraire à cause de cette putain de coloc.

-J'peux tirer sur ton truc?

Je lui dis ça avec un regard noir. Et, je m'en rend compte après, une larme qui a décidé de couler maintenant. J'ai aucun sens, rien n'a de sens dans ce que je dis, ce que je fais, ou l'enchaînement des uns et des autres. Au moins... Il a raison sur un point. Je me souviens qu'il fait pas bon être turne dans un quartier sans police. Mais, aucune chance de tomber sur un flic, ici... Et de toutes façons, j'ai le gène inhibé par l'alcool.

Si Zack cherchait le chaos… Il avait trouvé son incarnation.

Tout semblait embrouillé dans la tête de la jeune femme, colère, attitude « normal », puis à nouveau la colère.
Il voyait, dans son regard, les changements d’états qui accompagnaient ses répliques cinglantes.

-Le pompon, il t'encule.

Pauvre pompom qui n’avait rien demandé.
Se retrouver dans les fesses de Zack, ça ne devait pas être bien sympathique. Et lui, ça ne lui disait rien.
Il n’était pas pompomphile.


-J'sais pas, t'as qu'à vérifier.

Avant même qu’il puisse répondre quoique ce soit, la voilà s’avancer vers lui, le frapper dans la cuisse avant de tomber. Il n’avait pas senti grand-chose, les muscles étaient encore sous l’effet de l’entraînement.
Ah non, elle s’était rattrapée de justesse. A se demander comment elle s’y était prise.
Zack poussa intérieurement un soupir, avant de tirer une nouvelle latte.
Il continuait d’observer la jeune femme qui semblait plus qu’en colère. Contre quoi ? Alors là…
Ptête la déception d’un amour ? On avait souvent tendance à se torcher dans ce genre de cas. Ou la perte d’un être proche. Mais y aurait ptête pas autant de colère.
Non, là, il avait l’impression de voir une personne s’initier à une douleur incontrôlable, buvant pour oublier.

-J'peux tirer sur ton truc?

Elle savait pas vraiment ce qu’elle voulait. Et puis là… Une larme.
Ca faisait partie du genre de chose qui le touchait, les larmes. Comme un trop plein de souffrance qui trouvait un chemin pour s’extirper du corps et laisser ce dernier tranquille.
Ca le touchait encore plus quand c’était une jeune personne qui réagissait de la sorte.
Il voyait, dans les larmes, la désillusion de cette putain d’vie.

Zack tira une dernière bouffée, avant de tendre son joint à Skye.

- Tiens.

Il continuait de l’observer, sans dire un mot. Il avait simplement sorti une cigarette de son manteau et l’avait allumé.
Maintenant, que faire ?
La laisser là ? Pas une bonne idée. Mélange de tristesse et de colère, à s’oublier dans l’alcool et la drogue, incessamment sous peu.
Il pouvait lui proposer d’aller se défouler, ou boire/manger un morceau.

- J’te demanderai pas ce qu’il t’arrive mais t’as l’air sacrément remontée. S’tu veux te défouler, y a un dojo pas loin. Juste un coup de fil à passer pour savoir si le prof est encore là ou non.

Bon, après l’avoir dit… La proposition n’avait rien de rassurant.

- Ou si t’as faim, on peut aller grailler un truc, là-bas.

Il désigna un endroit à une centaine de mètres derrière lui. Sur une façade, on pouvait voir un écriteau « Fast food ».

- Mais pas question que j’te laisse à moitié à poil dans la rue et dans cet état. Compris ?

Plus que sérieux, Zack n’admettrait pas de refus, au grand dam de la jeune femme.

- Moi c’est Zack, et toi ?

- Tiens.

Il me tend son joint. Il sort une cigarette. Pas le genre à avoir la bouche inoccupée très longtemps, on dirait. Je m'essuie la joue. Ca me saoule! J'ai juste les yeux qui pleurent à cause du froid, ou d'autre chose, alors s'il continue à me regarder comme ça, je...

- J’te demanderai pas ce qu’il t’arrive mais t’as l’air sacrément remontée. S’tu veux te défouler, y a un dojo pas loin. Juste un coup de fil à passer pour savoir si le prof est encore là ou non.

Quoi? De quel dojo il me parle? La vache, j'enregistre pas du tout. Un dojo? Un donjon? j'ai ptête mal compris, et il est dans le SM? Me défouler... Dans un dojo. Eh, si j'imagine que c'est une tête de gorille à lunettes en face, y'a moyen que je l'explose carrément!

- Ou si t’as faim, on peut aller grailler un truc, là-bas. Mais pas question que j’te laisse à moitié à poil dans la rue et dans cet état. Compris ?

De la bouffe, c'était déjà plus sérieux, comme proposition. Mais, déjà, j'ai pas faim, et en plus, j'ai aucune envie d'aller me traîner dans un restau, poser mon cul et rien faire! Faut que je bouge, faut que je coure, que je cogne. Que je hurle, que je tranche, que je déchire, que je défonce, que je dégomme, que je... Que je tire la dessus. Je met le joint à mes lèvres et je tire, fort.

Mes yeux redeviennent argentés.

Tout refonctionne, tout se rallume, je peux à nouveau goûter à la saveur des synapses qui se reconnectent , c'est du bonheur à l’état pur, brut, natif, volcanique, le pied! Mieux que tout, mieux que la science, mieux que la bio, mieux que la physique, chimie, SVT, géologie, ingénierie, algorithmique, quantique, informatique, complexe, proba, statistique, méthodes formelles, calcul des prédicats, logique modale, philosophique, propositionnelle, syllogistique. Mieux que le sexe, mieux que le cuni, le soixante-neuf, mieux que de se tripoter au casino et mieux que de danser nue devant elle. Mieux que les pâtes à la carbonara et le jus d'orange naturel. Mieux que tous les films du MCU, l’intégrale de dragon ball, la fin de the thing de Carpenter. Mieux que la face B d’Abbey Road, les premiers disques d'or de BigFlo et Oli, la fortune d'Anton Dusk...

Et mes yeux virent au doré.

La tête me tourne, je m'assois. J'ai le cul trempé, et mon tshirt est dégueulasse, maintenant. Mon corps s'est assis, mais j'ai l'impression qu'une forme éthérée de moi-même n'a pas encore fini le mouvement. J'essaye de me souvenir de ce qu'il disait avant qu'il ne se passe un milliers d'années, pendant que j'étais assise ici. J'ai chaud, mais j'ai froid, et je sens que je pointe sous mon tshirt. Faut que j'aille quelque part. N'importe. Je crois que j'ai passé un long moment pliée en deux, la tête dans les mains. Sur ma nuque, le tatouage de nuage essayait de s'envoler.

- Moi c’est Zack, et toi ?

- Skye, j'crois. C'est ou ton dojo?

Il restait peu de doute quant au besoin de la femme à "s'échapper".
Il n'en resta plus lorsqu'elle tira une taffe sur le joint. Mais quelle taffe.
Si Zack en avait eu le temps, il aurait fait une blague sur le fait qu'elle venait juste de s'enfiler la moitié du joint, mais... Pas le temps.

Son regard changea, signe qu'elle était en train de faire un bad trip.
Zack s'avança rapidement et poussa un juron mais quelque chose l'arrêta.
Le regard n'était pas habituel, même pour quelqu'un effectuant un bad trip. C'était quelque chose de plus... Profond, qu'il se passait. Et l'iris changea de couleur. Une turne... Et merde.
Le regard était absent, mais semblait s'éveiller ? Se réveiller ? C'était assez confus.
Puis elle posa ses fesses sur le sol.

Zack décida d'attendre pour voir. Si elle tombait dans l'inconscience, il agirait.

Quelques minutes plus tard, elle sembla se réveiller.
Elle se redressa.

- Skye, j'crois. C'est ou ton dojo?

Bon. Ca avait l'air d'aller.
Le colosse posa son sac sur le sol et pris son nanocom.
Un petit coup d'onde pour savoir où en était le prof. Il n'avait pas encore quitté la salle et pouvait lui laisser ouverte, le temps qu'il fasse son truc. "Mais pas de conneries, hein ! Si y a de la casse, ça sera pour ta pomme."

Zack raccrocha et intima à Skye de le suivre.
Sur quoi, il rebroussa chemin pour aller en direction du Dojo.

- Ca va mieux ?

C'était assez amusant à voir, mais il avait l'impression qu'elle réagissait de la même façon à la weed que lui.
Plus "éveillé".

Pis il y avait une telle colère en elle, pas difficile de se retrouver là-dedans non plus. En moins pitoyable ptête, mais elle était pas habituée aux cuites, il pensait.

Au bout d'une quinzaine minutes de marches, dans des ruelles de plus en plus sordides, à tel point qu'on pouvait se demander si ce n'était pas un traquenard, ils arrivèrent devant une petite batisse en bois, qui jurait totalement avec le reste des immeubles gris et en ruines.

- Bon bah c'est là.

Le lieu était assez respecté pour que quiconque n'y touche, c'était déjà un bon début.
Zack poussa la porte et pénétra dans le batiment.

Un l'intérieur, il chopa un bas de kimono, plutôt sale et trop grand pour la jeune fille et lui balança.
Il alla également se changer dans les vestiaires, passant un survetement rapiécé aux extremités, puis attrapa bandages et gants.

- Tu veux que je te les mette ?

Il envoya un message à quelqu'un sur son nano, et commenca à s'enfoncer dans la bordure, en me disant de lui suivre.

C'est bon, Skye, t'as bien vécu, mais ça s'arrête aujourd'hui. T'es en train de suivre un inconnu dans une ruelle de la Bordure alors que t'es cuite et def. Niveau choix de vies, si j'avais dû changer un truc, c'aurait été... J'en sais rien? Ne pas tomber sur Kelya, peut-être.

- Ca va mieux ?

Sa voix me réveille. On marche depuis un moment, en fait. J'étais en train de me remettre en phase avec mon cerveau. C'est fou, le nombre de substances qui ont un impact direct sur le cerveau. Alcool, weed, probablement la toxine "wibe" que je produis... Et encore si peu de choses qu'on connaît à son sujet.

- Ouais, ça va...

Si c'était un plan foireux, même avec mon nano, appeler la police changerait pas grand chose. Comme s'ils avaient quelque chose à foutre de ce qui se passe dans la Bordure. Et, qui d'autre? J'ai pas d'amis. J'en ai jamais eu. Parce qu'ils sont trop cons. Simple.

Plus on marche et plus l'endroit est craignos. Mon coeur bat de plus en plus vite, l'adrénaline remplace l'éthanol dans mon sang. Alors, c'est vrai, la peur fait dessaouler... Mais, ça m'aide à analyser ce qui se passe. Le type a attendu que j'aille mieux pour m'emmener dans son truc. Et il m'a largement laissé le temps de dire non. Et puis, quand on arrive devant... Une bâtisse en bois, le genre rustique, qui jure totalement dans le décor. Y'avait aucun tag dessus, aucune trace de brûlure, rien. Apparemment, c'était un endroit... Spécial.

- Bon bah c'est là.

Il entre, et je le suis. Je reçois direct un vieux futal crade dans le visage, et il est déjà parti dans les vestiaires alors que je déverse un torrent de jurons à son attention. Et puis, quoi? Je vais pas mettre ça, si? Pourquoi faire? En plus, c'est trop grand, je vais flotter, là-dedans... D'un autre côté, je me sens déjà crade. ça changera pas grand chose. Je sais même pas s'il n'y a que nous, ou s'il y a d'autres gens, dans cette cabane... Et puis, merde. J'ai juste envie de me défouler. J'enfile le bas, et j'ai tellement de marge en serrant la ceinture que le tissu déborde sur les côtés... Et mon tshirt est beaucoup trop large, j'ai l'air de porter un sac de patates. Je fais un noeud avec, au-dessus du nombril, au moins il ne touchera pas le pantalon. C'est.. Bizarre, j'ai jamais porté ce genre de trucs. Et pour mettre la touche finale, le gars... Zack, revient avec des bandages et des gants.

- Tu veux que je te les mette ?

- C'est bon, je peux le faire toute seule! Tu m'as pris pour une attardée ou quoi?

J'ai encore haussé le ton. Je sais pas pourquoi je suis autant sur les nerfs. J'ai l'impression que mon corps est un volcan. Et j'ai une furieuse envie d'exploser... J'enfile les gants, et j'enroule le bandage, approximativement, autour du poignet. C'est la première fois que j'en mets, mais il suffit d'observer leur longueur, leur épaisseur et leur matière pour deviner l'endroit où ils vont et le but qu'ils doivent servir... Ma tête commence à refonctionner. Je me sens bien, mais plus je me sens bien, plus je me sens en colère.

- Il te reste une taffe...? Sinon, on peut y aller...

J'ai aucune idée de ce que je fais, mais je vais pouvoir tester mes capacités d'improvisation... Il a l'air expérimenté, solide, fort, et à côté, je suis juste une crevette avec de bons réflexes. Je sais comment frapper pour éviter le plus possible que mon squelette reçoive trop de pression dans une mauvaise position, je connais les points vitaux du corps à protéger, mais... Je sais déjà que la pratique est à des années-lumières de la théorie.

- C'est bon, je peux le faire toute seule! Tu m'as pris pour une attardée ou quoi?

Zack se mit à sourire.
C'était typiquement le genre de situation où le prof faisait les gros bras.
Les nouveaux arrivants, ici... Fallait les canalyser un peu.
Du coup, ce genre de comportement, ça valait un petit enchainement de la part du prof pour montrer qui c'était le patron, sans faire mal.
Après, il lâchait un petit avertissement, pas pour menacer le type, juste pour lui dire que s'il voulait dire quelque chose, il devait faire ses preuves.

Bon, là, c'était pas le même contexte, et Zack était pas prof.
Mais ça aurait été rigolo.

- Une attardée ? Non, mais sacrément atteinte par l'alcool, ouais. Après, c'est juste qu'ici, bah on fait du muay thai. Les bandages, ça se met de façon bien particulière.

Il sortit ses propres bandages et commença à les enrouler selon un schéma bien spécifique. De façon à ce que tout tienne bien en place et qu'aucun faux mouvement ne pète ses propres doigts.
Il avait fait cela presque religieusement. Du moins, c'est ce qu'on pouvait croire. Sans dire un mot, concentré sur la tâche, faisant des gestes habiles et sures.
Jusqu'à lui montrer le résultat final.

- Tu vois ? Comme ça, tes doigts risquent rien.

Puis il frappa brusquement, et brulatement, ses deux poings l'un contre l'autre.

- Il te reste une taffe...? Sinon, on peut y aller...

Il ricana. Pas méchamment, mais ça le faisait rire.

- J'te propose le deal suivant : Tu t'échauffes pendant que je le prépare. Et après ok.

Elle avait besoin de se défouler ? Ok.
Elle allait être servie.

- Et pour l'échauffement, j'veux pas un truc de naze. Tu vas courir tout au long du dojo pendant 5 minutes. Après, tu cours encore 5 minutes, en changeant de rythme et de position. Sur les côtés, en pas chassés, en arrière, en montant les genoux jusqu'au nombril, en tapant des talons sur tes fesses.

Il amena son sac à lui, tout en parlant, pour commencer à préparer le joint.

- Après, j'veux des pompes et des abdos. 50 Pompes. 30 normales. 10 où tu descends, tu remontes puis tu "sautes" pour frapper dans tes mains. Les 10 dernieres, tu fais une pompe, tu te déplaces sur un côté, pompe à nouveau, déplacement, etc. Et tu fais les pompes sur tes phalanges, hein... J'veux pas de mains ouvertes. Pour les abdos... Ton coude doit toucher le genou opposé. Ok ?

Lui, pour le moment, il s'était assis. Il la rejoindrait durant la session d'entrainement, à plusieurs c'était mieux.
Mais pour le moment, il roulait le joint.

- Si t'as une contestation à faire, c'est trop tard. T'as mis les gants, on est dans le dojo. Là, j'suis ton prof, ok ? Si tu contestes, trop fortement, je t'enchaine. Mais t'as l'air d'être en colère, et la colère je connais, j'ai la même. Alors pour te défouler, crois-moi que j'suis l'mieux placé.

Il enroule ses bandages autour des poings, et les frappe l'un contre l'autre.

- J'te propose le deal suivant : Tu t'échauffes pendant que je le prépare. Et après ok. Et pour l'échauffement, j'veux pas un truc de naze. Tu vas courir tout au long du dojo pendant 5 minutes. Après, tu cours encore 5 minutes, en changeant de rythme et de position. Sur les côtés, en pas chassés, en arrière, en montant les genoux jusqu'au nombril, en tapant des talons sur tes fesses.

Mais what? Il s'est pris pour un prof d'EPS? Putain, ça me saoule déjà. Ma tête tourne encore un peu, mais c'est pas comme la dernière cuite avec Kelya... C'est redescendu. Cinq minutes de course, puis 5 autres, puis... Mais, j'ai juste envie de cogner, de me défouler, de libérer tout ce qui hurle à l'intérieur! J'ai envie de lui gueuler dessus. Et avant même que j'ouvre la bouche, il allonge la liste des devoirs.

- Après, j'veux des pompes et des abdos. 50 Pompes. 30 normales. 10 où tu descends, tu remontes puis tu "sautes" pour frapper dans tes mains. Les 10 dernieres, tu fais une pompe, tu te déplaces sur un côté, pompe à nouveau, déplacement, etc. Et tu fais les pompes sur tes phalanges, hein... J'veux pas de mains ouvertes. Pour les abdos... Ton coude doit toucher le genou opposé. Ok ?

Et il s'assoit pour rouler le joint. Mais il se fout de ma gueule ou bien...?

- Si t'as une contestation à faire, c'est trop tard. T'as mis les gants, on est dans le dojo. Là, j'suis ton prof, ok ? Si tu contestes, trop fortement, je t'enchaine. Mais t'as l'air d'être en colère, et la colère je connais, j'ai la même. Alors pour te défouler, crois-moi que j'suis l'mieux placé.

J'hésite entre lui sauter à la tronche et lui accorder le bénéfice du doute. Mais ma réponse détermine mon état actuel : un bon rot bien libérateur, que j'ai même pas senti venir... Peut-être que m'échauffer un peu permettra de vider le trop-plein. Merde... J'ai envie d'aller aux toilettes.

-C'est ou, les wc...? Après, je fais ton truc...

A mon retour, je me sens un peu mieux. Je me suis passé de l'eau sur le visage, j'ai mis mes cheveux en arrière. J'aurais dû emmener mon bonnet. Enfin, à tout prendre, j'aurais aussi pu emmener des chaussures. Je commence à sentir l'état de mes pieds. Il est toujours en train de rouler, je commence à trottiner. Non... Ca va pas. J'accélère. Encore, et encore. Je suis encore assez bourrée pour ne pas ressentir l’essoufflement... Je cours, un peu n'importe comment. Je cours comme si j'étais poursuivie par tous ceux qui me traitent de monstre. Puis je trouve une position plus pratique. Et j'accélère. Je cours comme si je fuyais ceux qui se servent de moi et me jettent après. Le FATE. Le NEST. Mes anciens boulots. Kelya.
Cinq minutes déjà. C'était quoi... Pas chassés. De côté. En arrière. C'est un peu brouillon, mais je remplis les conditions que mon sensei improvisé me demande. Je suis en sueur mais je ne le remarque qu'une fois que je m'arrête. Par contre, hors de question de montrer que l'éducation physique n'est pas ma matière de prédilection...

Je continue un peu plus longtemps que ses conseils. Je cours un peu plus droit maintenant. Mes bras me démangent. Je les fais tournoyer. Je frappe dans le vent, tout en courant. Je me sens forte. Je me dis que ça ne doit pas être trop compliqué de synthétiser un équivalent d'endorphine qui puisse repousser les limites des gens... Il suffirait d'ajouter un opioïde à un peptide neurotransmetteur...

Mon cerveau refonctionne. Putain, je me sens revivre! Je réfléchis. Vite. Tout semble ralentir autour de moi. Même la lumière me semble plus lente. Tout devient un peu plus sombre, excepté ce qu'il y a en face de moi. La "concentration totale" que certains acquièrent après des années d'entraînement zen, je l'ai eue dans mon kit de fabrication. Je frappe. Une, deux, trois fois. Six, douze, vingt-quatre fois. Je peux sentir les muscles de mon bras se contracter, se tendre, s'étirer, puis reprendre leur forme, l'air glisser sur ma peau. Le mouvement est si "lent" que je peux le corriger, l'affiner. Le rendre parfait. Quarante-huit coups.

En dix secondes.

La sueur tombe sur le sol du dojo. Mon sang bout. Je regarde vers Zack.

Zack l'avait regardé s'echauffer, pleine de zèle.
Plus trop pleine d'alcool, ça c'était sûr, vu les bruits qu'il avait entendu en provenance des WC.

Il avait fini de préparer le joint et les dix minutes étaient passées depuis belle lurette, mais Skye continuait de s'échauffer.
Maintenant, elle frappait dans le vide et Zack... Bah il était assez impressionné.
Ptête qu'elle savait déjà se battre, mais si c'était pas le cas.... Sa capacité d'apprentissage était bluffante.
Il la voyait s'auto-corriger au fur et à mesure des coups prodigués.

- Et bah putain, encore un phénomène.
Et il disait pas ça parce qu'elle était turne.
Mais parce que les dernières rencontres, ça avait été des phénomènes.Kelyah, Heidi et elle maintenant.
Il se redressa.

- Et bah tu t'débrouilles bien, mais oublie pas les pompes et abdos. Enfin, sauf si tu veux rester dans ton état de crevette. Ah ah !

Petite pique, ça ne faisait jamais de mal.

A son tour, il se mit à courir et à s'échauffer.
Ses muscles étaient encore sous le coup du précédent entrainement, mais pas assez. Fallait les "réchauffer" à nouveau.
Pis c'était pas plus mal qu'il pousse l'entrainement.
Après tout, le tournoi clandestin, c'était pour bientôt. Ptête qu'il devait emprunter la salle et amener Kelya aussi, histoire de.

Zack courait, et comme Skye, il agrémentait sa course de quelques frappes fictives, s'arrêtant quelques secondes pour se mettre en posture, lâcher un ou deux coups et repartir.
S'entrainer, il kiffait.
La lente ascension de l'effort physique qui s'emparait de son corps, ça le rendait vivant.

Dès qu'il sentit ses muscles assez échauffés, il se mit à faire les pompes et abdos, comme il l'avait décrit à Skye.

- Viens, ensemble.

- Et bah putain, encore un phénomène.

Je lui jette un regard noir. Encore un qui compte me prendre pour un monstre de foire? Impossible qu'il parle d'autre chose que de mes yeux... Bah faudra t'y faire mon gros, le NEST, c'est un putain de ghetto à mutants.

- Et bah tu t'débrouilles bien, mais oublie pas les pompes et abdos. Enfin, sauf si tu veux rester dans ton état de crevette. Ah ah !

Un compliment immédiatement teinté d'une attaque. Pas le genre à chanter les louanges gratuitement.

-Je préfère ressembler à une crevette qu'à un routier sous stéroïdes, merci.

Des muscles, avec ma carrure...? Je ressemblerait trop à Kelya. Elle, elle doit s'entraîner, c'est sûr. Putain, j'en ai assez! Quoi que je dise, quoi que j'entende, pourquoi elle me revient toujours dans la gueule?! Elle s'est tirée, passe à autre chose! Je devrais me barrer avec mes affaires dès que je rentre. Heureusement, j'ai pas grand chose.

Zack exécuta l'échauffement à son tour. On reconnaissait l'habitude et la maîtrise d'une exécution, si ce n'est quotidienne, au moins hebdomadaire. Puis, il commença à faire les pompes et les abdos.

- Viens, ensemble.

Je peux améliorer mes réflexes et avoir la meilleure théorie du monde, il y a des choses que je ne peux pas énormément améliorer uniquement avec le cerveau. Comme le poids que peuvent  soutenir mes biceps ou la tension maximale de mes abdos... Quoi que. Je pourrais. C'est justement le cerveau qui envoie les informations de douleur et de prévention au reste du corps en cas de surchauffe ou de surutilisation, il suffirait de fausser ou de court-circuiter ce message pour ne plus ressentir la fatigue.

Ça rejoint le concept que j'essaie de mettre sur pied depuis un moment. Des nutriments intracérébraux unicellulaires sérothérapiques, qui, injectés dans le sang, permettraient de galvaniser les effets de n'importe quelle mutation. Au final, c'est plus où moins l'équivalent de stéroïdes pour le cerveau... Moins les effets négatifs.

Je transpire rapidement, mais la réflexion m'aide à ne pas penser à la douleur de l'échauffement. Je parviens à suivre Zack, qui, lui, ne peine pas vraiment à faire ces exercices. Puis, enfin, on se relève.

-C'est bon, cette fois, ou il faut encore signer un formulaire en trois exemplaires avant de se foutre sur la gueule...?

Je ne sais pas pourquoi je le provoque comme ça. L'impatience? Non... La diversion. Je veux "divertir" mon cerveau, au sens premier du terme. Pense, Skye. Pense à n'importe quoi. Remplis ton crâne pour en vider tout ce qui n'a rien à y faire. Pense, pour l'oublier.

-C'est bon, cette fois, ou il faut encore signer un formulaire en trois exemplaires avant de se foutre sur la gueule...?

Zack hausse les épaules, tout en se dirigeant vers le banc où il avait laissé le joint.
Là, il le prit et l'alluma pour retourner vers Skye.

- Tu me remercieras demain, quand tes muscles ne crieront pas.

Il prit une première taffe, qu'il inspira lentement avant de la rejeter tout aussi lentement.
Puis il tendit le joint à Skye.

Il repensa au regard noir qu'elle lui avait jeté, quand il avait parlé de phénomène.
Apparemment, les turnes n'aimaient pas être pris pour des turnes. Ptête qu'ils devaient en avoir marre qu'on les traite de phénomène.
Le problème était que ce n'était pas son tempérament turne qu'il avait trouvé phénoménal. Ou alors c'était en rapport ?

- J'ai vu ton regard noir. C'pas ça qui m'fait dire que t'es un phénomène, c'est juste que t'as l'air d'apprendre vite et j'trouvais ça impressionnant. Alors si je t'ai vexé, bah c'était pas le but.

Il se mit en garde, frappant de la même façon qu'elle avait fait plutôt.
Il reproduisait ses mouvements, corrigeant comme elle avait corrigé.
Il fit une première frappe, comme elle l'avait fait.

-Ca, c'était ton premier coup.

Il déclencha une nouvelle frappe.

- Ca, c'est ton dernier coup.

La différence entre les deux étaient significatives.
Le premier coup était démesuré, en terme de force, de vitesse et d'optimisation. Le dernier était tout aussi puissant et rapide, mais le mouvement était plus juste et optimal. Gain d'énergie, gain de fatigue.

- C'est pas tout le monde qui fait ça. Un novice... Ca lui prendrait ptête des semaines rien qu'à se rendre compte, tu vois ? Même moi, j'ai mis du temps à arriver à voir et comprendre la différence. J'trouve ça cool du coup. Tu fais ça partout ?

Il commença à lui montrer les mouvements de base du Muay Thai.
C'était un art très brutal et violent, utilisant les os du corps pour frapper. Poings, coudes, genoux.
A l'origine, on pouvait utiliser la tête aussi, mais c'était interdit de nos jours.

- Bon, à toi maintenant.

Il attrapa deux sortes de coussins qu'il plaça sur ses mains avant de les tendre à Skye.

- Frappe.

- Tu me remercieras demain, quand tes muscles ne crieront pas.

Il me tend le joint qu'il m'avait promis tout à l'heure. Je le regarde grésiller en tirant dessus. Je sens mon cerveau s'endormir lentement, ou plutôt, compartimenter la réalité qu'il perçoit. Je n'ai plus besoin de penser à ce dont je n'ai plus besoin de penser. Ouais...

- J'ai vu ton regard noir. C'pas ça qui m'fait dire que t'es un phénomène, c'est juste que t'as l'air d'apprendre vite et j'trouvais ça impressionnant. Alors si je t'ai vexé, bah c'était pas le but.

-Bah. De toutes façons, pour ça ou pour autre chose, j'imagine que "phénomène" est toujours mieux que "turne"...

Il me montra deux coups, l'un très brouillon et l'autre plus propre, net, impactant. C'étaient les miens. Apparemment, j'avais réussi à atteindre quelque chose... J'ai juste recherché la posture la plus optimisée pour mes bras et mes mains.

- C'est pas tout le monde qui fait ça. Un novice... Ca lui prendrait ptête des semaines rien qu'à se rendre compte, tu vois ? Même moi, j'ai mis du temps à arriver à voir et comprendre la différence. J'trouve ça cool du coup. Tu fais ça partout ?

-Euh, comment ça, j'fais ça partout...? Je me bas pas... Trop... Enfin pas trop souvent. Enfin si mais pas souvent sérieusement. Bref...

Il continua à m'expliquer quelques trucs sur les mouvements. La plupart étaient élémentaires et relevaient du simple bon sens anatomique, mais d'autres relevaient plutôt d'expérience accumulée qui pousse à un mouvement plutôt qu'à un autre. Et puis, il enfila des coussins sur ses mains pour les placer devant moi.

- Bon, à toi maintenant. Frappe.

Aah, putain... Enfin! J'envoie le poing dans le sac de frappe. Principalement pour tester sa solidité. Ok, un rapport de force des vecteurs d'environ 1/19. Je vois presque les vecteurs se dessiner quand je frappe. Le mien part droit de mon poing, vers l'avant. Puis une partie change de couleur et devient la force du rebond, qui repart vers moi. L'autre est encaissée par les muscles de Zack. Je calcule l'angle avec lequel j'aurai le moins de retour de cette force de rebond, et frappe à nouveau. Sa main recule moitié plus loin. Une autre variable me manque... La forme. L'impact est trop étendu. Mon prochain coup, mon poing n'est pas fermé pareil, les phalanges de mon index et de mon majeur sont ressorties. Je passe de la forme de boule à celle d'une pointe. Cette fois, le coussin peine à renvoyer la majeure partie de mon énergie cinétique et c'est à Zack de tout encaisser...

Puis, le ballet continue avec des coups de pieds. Mon poing devant le visage, naturellement. C'est la position la plus optimisée dans un combat pour ne pas prendre un coup, ou pouvoir répliquer rapidement. Ma jambe se détend comme un fouet et mes orteils claquent contre le coussin du gant de Zack. Trop court... Connaître mon corps et les distances qui en découlent, j'imagine que c'est quelque chose où la théorie ne pourra jamais remplacer l'expérience et la pratique. Je recommence. Un grand claquement quand le dessus de mon pied s'enfonce vers le coussin. Encore une fois, de l'autre côté.

Quelques coups après, je fais une pause. Il ne s'est pas écoulé plus de quelques secondes, mais je m'imaginais déjà sur un ring, sous la douche de lumière d'une vieille ampoule. Pourquoi se battre est aussi libérateur? Et même... Dopant? C'est dur de s'arrêter. Mais je vais vouloir quoi, après...? Casser la gueule à quelqu'un au hasard? Devenir justicière masquée? Participer à des tournois officieux contre de l'argent? Non, déjà, je veux... Je veux me sentir vivre.

-C'est pas marrant, si tu rends pas.

-Bah. De toutes façons, pour ça ou pour autre chose, j'imagine que "phénomène" est toujours mieux que "turne"...

C’est sûr qu’à Central Point, valait mieux éviter d’être un turne…
Zack pouvait aisément témoigner de la chose, vu le niveau de vie de ceux présents dans la bordure.

-Euh, comment ça, j'fais ça partout...? Je me bas pas... Trop... Enfin pas trop souvent. Enfin si mais pas souvent sérieusement. Bref...

- Bah… Juste t’as l’air d’apprendre vite et par toi-même. Autodidacte, non ? Mais à une vitesse de folie. Du coup, j’demandais si c’était pareil dans d’autres trucs, genre… Les maths ? Tu vois ?

Puis il se concentre sur l’entraînement, lui ordonnant de frapper, ce qu’elle fit.

Comme précédemment, elle frappait, testait et analysait… Le tout à vitesse « V ».
Zack avait d’ailleurs du mal à la suivre, cela l’obligeait à se concentrer entièrement , aidé par la weed.

Il la voyait donc frapper, encore et encore. Du poing, du bout des doigts, puis des pieds.
Mais elle était toujours dans l’analyse, dans la réflexion.
Elle semblait pas être totalement dans le relâchement de la colère, même si elle semblait éprouver un certain plaisir à se défouler de la sorte. Ptête un début de libération de la colère, mais c’était minime.

Pour le moment, il ne disait rien, la fixant tout en encaissant les coups qu’elle envoyait sans beaucoup de force, mais avec une grande vitesse.
Si elle gardait son statut de « crevette », cela fit naître une lueur amusée dans son regard tandis qu’elle venait de frapper, cela signifiait que pour optimiser sa puissance, elle devra certainement viser les points sensibles du corps, comme la pomme d’adam… Ou les couilles… Aïe.
Zack, lui, pouvait se permettre de ne pas optimiser sa puissance de cette façon. Il alliait force et vitesse. Bon, pas aussi rapide que Skye, c’était sûr.
Puis, de toute façon, il avait sa façon de se battre.

Skye s’arrêta, après un coup de poing.
Encore une fois, elle avait optimisée ce qui pouvait l’aider à se battre, c’était bien.
Elle semblait moins… Enervée. Ptête que le defouloir commençait à faire effet.

-C'est pas marrant, si tu rends pas.

C’était… Pas faux.
Sans crier gare, il balança un coup de pied en plein dans la poitrine de Skye, qu’elle aurait le temps d’essayer de bloquer ou non. Dans les deux cas, l’impact la ferait surement reculer, vu la force déployée par le colosse.

Par ce simple, mais fourbe acte, il montrait à Skye qu’il ne plaisantait pas.
Mais la situation était « dédramatisé » car il avait un sourire au coin des lèvres, et son regard était amusé.
Il voulait voir ce qu’elle avait dans le ventre, et cet intérêt se partageait avec l’amusement dans le regard du colosse.

- Ok, ok. Je vais rendre, donc. Mais avant…

Mais avant, il se dirigea vers le joint non fini, qu’il ralluma.
Il tira une taffe, tout en gardant Skye du coin de l’oeil. Après tout, il avait été « déloyal », en quelque sorte… Rien ne disait qu’elle ne le serait pas.

- T’en reveux ?

Il lui tendit le joint, avant de lui envoyer d’une pichenette, faisait tournoyer, sur lui-même, le joint à l’une des extrémités ardentes qui se dirigeait très rapidement sur Skye.
Il ne savait pas pourquoi, il était certain qu’elle l’attraperait facilement.
C’était d’ailleurs le but.

- Bah… Juste t’as l’air d’apprendre vite et par toi-même. Autodidacte, non ? Mais à une vitesse de folie. Du coup, j’demandais si c’était pareil dans d’autres trucs, genre… Les maths ? Tu vois ?

Je ne sais pas quel rapport il a trouvé entre le combat et les maths, et c'est peut-être que je suis un peu déchirée encore. Mais le fait qu'il fasse si vite et à partir de si peu le rapprochement avec ma mutation m'effraye, et j'esquive le sujet en haussant les épaules, en me concentrant sur le reste. L'entraînement. Je frappe, je cogne à en suer, à en extraire de mon corps par chaque pore de la peau tout ce qui me pèse. Je veux nettoyer mon esprit pour que mon cerveau puisse re-fonctionner. Je veux me défouler... Je commence à habituer ma mémoire musculaire aux mouvements les plus optimisés possibles. Mais il me manque clairement quelque chose.

-C'est pas marrant, si tu rends pas.

Il lui en fallait pas plus pour lancer son pied en avant vers ma poitrine. La surprise. L'adrénaline. Je sens presque l'hormone agir sur chaque parcelle de mon corps. Mon coeur accélère, le sang pulse rapidement à tous les organes qui en ont besoin, réchauffant mon corps. Mes poils se hérissent, mes yeux s'écarquillent tout en redevenant argentés. Et encore une fois, tout s'assombrit et ralentit. Son mouvement est parfait. Il monte depuis le sol, bien droit, dans un mouvement fluide, jusqu'à être positionné en face de moi et commencer sa poussée. Si je me baisse, je le prends dans la gueule. Impossible aussi de l'esquiver par le côté, il sera trop rapide. Il ne me reste qu'à le bloquer. Mais comment? Il doit peser quatre fois mon poids...

Il est grand. Je suis petite. Son pied ne vise pas mon abdomen, comme n'importe quel combat normal, mais ma poitrine. Je dois jouer là-dessus. Si je l'arrête, mes bras vont prendre. Je dois le dévier, et reculer. Comme il a visé haut, son déséquilibre devrait être plus grand. Je calcule la position de son pied au moment de l'impact, et mes bras commencent à se raidir, mes muscles à se bander, et mon mouvement débute pour rejoindre le sien et le pousser sur le côté. C'est bon... Ça ira.

Le "temps" reprend son cours. Rien n'a ralenti réellement, mais j'ai l'impression d'avoir passé une semaine non-stop à étudier. Les ressources utilisées par mon cerveau sont vraiment différentes en combat et pour réfléchir... Son coup est dévié, et je recule en plus, ce qui me laisse une occasion de contre-attaquer avec de l'élan. Mais je remarque son sourire. Il n'était pas sérieux...

- Ok, ok. Je vais rendre, donc. Mais avant…

Et il retourne tirer une taffe.

- T’en reveux ?

Et il l'envoie d'une pichenette. Ses actes, ses paroles, sa dernière remarque. Je comprends où il veut en venir. Quelque part... Il ressemble à ces types de la FATE. Ce qui l'intéresse, c'est mon "potentiel". Ce n'est pas un mal, d'ailleurs, ça n'a jamais été ce que je reproche à la FATE, plutôt leurs méthodes... Lui au moins, était juste et carré. S'il me testait, c'était face à ses propres capacités.

Sans trop de difficultés, après avoir calculé la balistique extérieure du joint, je place ma main là où il devrait arriver, au bout de la parabole, avec les doigts en position après le bon nombre de rotations qu'il aura effectué. Puis, je tire dessus. Je suis pas peu fière de l'allure que je dois avoir en ce moment... Enfin, jusqu'à ce que le joint me fasse tousser.

-On dirait que je vais pouvoir me défouler un peu...

J'ai lâché ça en souriant. C'est sans doute, encore une fois, la weed, mais j'ai l'impression d'être aussi cool que dans un film d'arts martiaux.

Et j'avance sur lui. Un coup de poing, gauche, droite. Juste pour pouvoir placer un coup de pied fouetté vers son visage.

Pour sur, Skye était impressionnante, et Zack kiffait ça.
La facilité avec laquelle elle avait attrapé le joint, c'était pas commun. Lui y serait pas arrivé.

A sa façon, le colosse testait la gamine.
Il aimait bien savoir à qui il avait affaire, et ça pouvait passer par des moyens tordus.
C'était même pas son boulot de flic qui lui avait inculqué ça, ça avait simplement affiné, mais bien son enfance dans la bordure.
Dire que c'était la jungle, c'était un euphémisme.

-On dirait que je vais pouvoir me défouler un peu...

A peine lâchée, Skye s'avance.
Coup de poing gauche que le colosse esquive en faisant un pas en arrière. Il dévie le coup suivant d'un geste de la main, comme chassant un vulgaire moustique.
Puis il la voit sauter pour lui mettre un coup de pied au visage. Zack tourne sa tête au dernier moment pour encaisser, sans difficulté, le coup avec sa tempe.

- C'est tout ?

Il fit craquer sa nuque, surplombant Skye de toute sa taille.

- C'est ça ta colère ?

A priori, il semblait calme. Mais au fur et à mesure qu'il parlait, sa voix se mit à gronder, émettant perpétuellement un signe avant-coureur d'une quelconque menace.

- Elle est où cette putain de colère qui te bouffe ? Qui s'empare de toi à tel point que tu en as mal ?

Il s'avança d'un pas vers elle, ajoutant à cette sensation de menace déjà présente.

- Cette colère, à l'état brut, qui se promène dans tes veines ? Tu veux la faire sortir ? ALORS FRAPPE !

Il avait hurlé ces dernières paroles, tout en se penchant en avant vers Skye.

- FRAPPE ! FRAPPE ! T'AS PEUR DE ME FAIRE MAL ? FRAPPE !

L'habituel reflet doré s'était, encore une fois, évaporé du regard brun.

- J'veux que tu frappes fort ! J'veux que chacun de tes coups, ça soit pas toi qui frappe mais ta putain de colère. Alors frappe bordel !

Elle voulait qu'il rende les coups, il allait lui montrer.
Il fit un léger bond en arrière, avant de revenir vers elle. Coup de pied sauté, en direction de la tête.
Malgré sa corpulence, le geste était fluide et semblait puissant.
Parer, dévier ou esquiver ? Il ne tenait qu'à Skye de choisir.

- C'est tout ? C'est ça ta colère ?

Il avait encaissé le coup sans broncher, en le prenant pourtant dans la tempe. Qu'est-ce que c'est que ce type... On dirait qu'il cherche à me provoquer?

- Elle est où cette putain de colère qui te bouffe ? Qui s'empare de toi à tel point que tu en as mal ? Cette colère, à l'état brut, qui se promène dans tes veines ? Tu veux la faire sortir ? ALORS FRAPPE ! FRAPPE ! FRAPPE ! T'AS PEUR DE ME FAIRE MAL ? FRAPPE ! J'veux que tu frappes fort ! J'veux que chacun de tes coups, ça soit pas toi qui frappe mais ta putain de colère. Alors frappe bordel !

Mon sang bout. Je le vois reculer, et se jeter en avant, avec un coup de pied sauté. Plutôt simple à esquiver quand ton temps de réaction est cent fois supérieur à la normale. Bien sûr, je dois prendre en compte la vitesse maximale de mes muscles, mais...

Ok, je suis tombé sur un psychopathe. Celui-là, il devait faire profil bas quand il passait quelqu'un de la police... Il a limite l'air instable. Il me fout la pression... Ma colère? Qu'est ce qu'il en connaît, cet espèce d'anachronisme sur pattes, à faire des arts martiaux dans une vieille cabane en bois perdue entre deux immeubles dégueulasses? Qu'est-ce qu'il connaît des saloperies qu'on m'a demandé de créer? Qu'est-ce qu'il sait du fait d'être considérée comme une putain de sous-race humaine? D'être entouré de gens si stupides que personne ne cherche plus à me comprendre? De tout ce que je comprends et qui, s'ils avaient un QI assez élevé, pousserait au suicide un bon trois-quart de la population humaine restante sur la planète? Du vent phénoménal que je me suis mangé avec ma coloc, partie en courant rejoindre une meuf alors qu'elle était en train de me rouler des pelles la minute précédente?

Mon coup part. Il n'est pas encore retombé de son coup de pied sauté que mon poing part depuis mon abdomen. J'ai l'impression d'arracher une boule brûlante qui me faisait bouillir les entrailles de l'intérieur. Elle est dans ma main, je sens sa chaleur - c'est juste le sang qui pulse plus rapidement sous l'effet des muscles bandés qui me donne cette impression, mais c'est tout comme... Mon bras pivote, et je place un uppercut pendant qu'il retombe. Il pourra peut-être le bloquer s'il m'a vue venir, mais il devra ajouter sa vitesse à celle de mon poing.

Je m'avance sur lui pour achever de le déséquilibrer au cas ou le coup ne porte pas, garde en croix et front en avant. Pas très instinctif, mais ça m'a paru la position offrant le moins d'accès à mes parties vitales. Je ne pourrais probablement pas le balayer sans ça, alors c'est le moment; mon pied effectue un arc de cercle au niveau du creux de son genou...

Et puis... Il se passe quelque chose de... Différent. D'habitude, quand je réfléchis, tout s'assombrit, à cause de la vitesse de perception de la lumière. Mais là... Je continue à frapper, esquiver, parer quelques fois. Mais je cherche surtout à... Bouger mon corps. Le mettre à l'épreuve. Le pousser au bout de ses limites. Relâcher ma colère. Faire bouillir mon sang, et inonder mon cerveau d'adrénaline. Jusqu'à ce que tout...

Devienne blanc.

Les paroles du colosse semblaient avoir réveillé Skye.
Le véritable combat commençait, Zack était prêt et il irait sérieusement.
Faire moins, ça aurait été manquer de respect à Skye, du moins dans sa tête.

Heureusement que le dojo était désert.
La séance, qui avait pour but de défouler Skye, tourna en une danse frénétique et démesurée des deux adversaires.
Le colosse frappait vite et fort, mais Skye déviait et frappait encore plus vite. Une vraie anguille qui filait dans toutes les directions, difficile à frapper, difficile à attraper.

Mais cela était compensé par l'endurance et la capacité à encaisser de Zack. Les coups n'étaient pas portés avec assez de force pour le mettre à bas, mais Skye avait compensé cela en découvrant et frappant les bleus laissés par le cours qu'il avait suivi plus tôt.
Cela n'était pas suffisant pour le mettre à bas, mais la répétition et la multitude des coups nourrissaient et amplifiaient la douleur, au fur et à mesure.
Les deux s'en rendaient compte.
Skye continua dans cette voie tandis que Zack essayait maintenant de dévier voire d'esquiver les coups. Mais pour l'esquive, elle frappait plus vite.

Zack aurait pu penser à quel point elle était impressionnante.
Mais Zack ne pensait plus, il s'était complètement abandonné au combat.
Ses pensées n'étaient qu'un amas de sens, ouïe, vue, odorat, qui se réunissaient continuellement pour traiter et analyser les informations. Le tout pour réagir au quart de tour et être le plus réactif possible.
Il était bien.

______________________________________________

Assis sur l'un des bancs, Zack tendait un nouveau joint à Skye, après avoir tiré dessus.

- Tiens, s'tu veux.

Il grimaça de douleur et avait mal partout.
Tous les coups de la jeune femme avait réveillé et amplifié les douleurs. Il allait morfler demain.
Est-ce qu'il y avait eu un "vainqueur" ? En quelque sorte.
Mais la victoire coûterait quelques réparations.

Dans la frénésie du combat, Zack avait dû surprendre Skye en défonçant le plancher.
Il avait "triché" en quelque sorte, utilisant le décor environnant pour la perturber et lui mettre la main dessus.
La légère surprise de Skye avait permis à Zack de l'attraper et de l'immobiliser. Tout en lâchant un "Putain d'merde, espèce d'anguille va !" et il avait ri.

Il avait arrêté là et s'était redressé, mettant fin au combat.
Puis ils avaient fait quelques étirements et s'étaient rhabillés.
Là, il avait roulé un joint, réfléchissant.

Elle était douée et bonne. Il savait pas ce qu'elle faisait mais ne rien faire, ça serait gâcher le truc.
Il maugréa à nouveau de couleur, les bleus lui faisant atrocement mal.

- Putain, t'y as pas été de main morte.

Il rit encore, lui non plus ne l'avait pas été.

- J’sais pas si ça t’intéresse… Mais parfois, y a des tournois clandestins. Si tu gagnes, t’as moyen de te faire un sacré pactole.

La proposition était lancée, elle en ferait ce qu'elle voudra.

Je transpire de partout. J'ai quasiment jamais poussé mon corps aussi près de ses limites. Je suis obligée d'esquiver la grande majorité de ses coups, sa force musculaire étant sans aucune commune mesure avec la mienne... S'il me touchait, il ne mettrait pas longtemps à me mettre KO. Et mes coups à moi mettaient du temps avant de lui faire le moindre effet...

Je ne sais plus trop comment ça s'est passé, mais à un moment, il a carrément pété le sol. J'ai reculé par instinct, j'avais jamais vu ça... Et c'est tout ce qui lui a fallu pour me bloquer avec tout son poids. C'est la limite de la façon dont je peux me servir de mon talent... Il n'augmente en rien ma force brute. Il m'avait à sa merci, et moi j'étais essoufflée et trempée. Il s'est arrêté là... Puis, après quelques étirements, on s'est changés et il m'a repassé son joint en riant à propos du combat.

- Tiens, s'tu veux. Putain, t'y as pas été de main morte.

- Tu déconnes, et toi alors...? Tu pèses une tonne, comment tu veux que je me relève...

- J’sais pas si ça t’intéresse… Mais parfois, y a des tournois clandestins. Si tu gagnes, t’as moyen de te faire un sacré pactole.

De l'argent...? Pour le moment, je n'y pensais pas trop. Mais, si jamais je devais prendre un appartement seule...? De quel genre de pactole il parlait? Enfin, de toutes façons, ça serait toujours mieux que ce que je gagne avec les piges que j'écris pour les magazines scientifiques. Par contre, si je tombais sur quelqu'un de sa trempe, je ne vois pas trop ce que je pourrais faire...

- Des tournois clandestins...? Eh ben, dans le genre louche et illégal, ça a l'air de se poser là... Mais, bah... Pourquoi pas, ça peut être une expérience intéressante.

Et puis, qui sait, je pourrais peut-être me renforcer un peu, et gagner ce qui me manque en... Physique. Tiens... Je m'en rends seulement compte maintenant, mais je me sens moins en colère. J'ai pu extérioriser ce putain de poids que j'avais sur la poitrine...
Oui... Il va falloir que je rentre, maintenant. Je soupire.

- Je vais devoir y aller... Bon, c'était pas une rencontre courante, mais... Merci pour c'que t'as fait. J'en avais besoin, j'crois. T'es quoi, une sorte de gourou ambulant...?

Je ris et je tire sur le joint à nouveau.

- J'te laisse mon numéro? De toutes façon, si tu m'envoies des trucs louches, j'pourrai toujours t'envoyer les flics.

Bien sûr que non. Comme s'ils allaient se déplacer pour une turne qui reçoit des dickpics. Mais bon, j'avais besoin d'alléger un peu l'ambiance.

Skye tire sur le joint.

L'atmosphère "combattive" était retombée. Et ils discutaient donc tranquillement.
Ca avait fait du bien à Zack de se défouler également. De toute façon, il n'en avait jamais assez.
Intérieurement, ça grondait perpétuellement. Ca ne s'arrêtait jamais, sauf lorsqu'il se battait ou lorsqu'il couchait.

- Tu déconnes, et toi alors...? Tu pèses une tonne, comment tu veux que je me relève...

Il piqua le joint et prit une nouvelle taffe avant de le retourner à Skye.

- T'es plus rapide. Te manque un peu de force ou alors de vraiment taper sur les points sensibles. Merci de pas trop l'avoir fait d'ailleurs.

Il ricana en imaginant un coup de pied dans les parties sensibles, par exemple.
C'était typiquement le genre de coup bas qui faisait très très mal.

- Des tournois clandestins...? Eh ben, dans le genre louche et illégal, ça a l'air de se poser là... Mais, bah... Pourquoi pas, ça peut être une expérience intéressante.

Nouveau ricanement.

- Ouais, c'est vrai. Mais bon, on s'éclate bien, y a de l'argent à se faire. Et même à regarder, c'est sympa. Si tu veux y participer, y en a un dans quelques jours. J'y serai avec une amie. Et on peut s'prévoir quelques séances de baston.

Il mima un coup de poing qu'il déposa sur sa joue.

- Pour moi, ça serait à ta portée, faut juste un peu plus de force quoi. Ou que tu saches où taper pour faire mal, genre la glotte... Ouais, y a presque rien d'interdit dans ce genre de combat, c'est du "free fight". Aucune règle.

Il reprit une fois encore le joint, tira une taffe puis se leva.

- Je vais devoir y aller... Bon, c'était pas une rencontre courante, mais... Merci pour c'que t'as fait. J'en avais besoin, j'crois. T'es quoi, une sorte de gourou ambulant...?

- J'suis l'génie de la bordure, mais en termes de souhait, c'est limité.

Il rit à son tour, rejoignant celui de Skye.

- J'te laisse mon numéro? De toutes façon, si tu m'envoies des trucs louches, j'pourrai toujours t'envoyer les flics.

Zack attrapa son sac qu'il mit sur les épaules avant de tendre le joint à Skye.

- J'vais te donner le mien, comme ça, si t'as envie de s'bastonner ou de fumer, ou de boire, tu me contactes. Et si t'as pas envie, bah on en reste là et j'pourrai pas t'envoyer de trucs louches.

Il s'avança lentement vers la sortie du dojo, laissant ainsi le temps à Skye de le suivre tranquillement.

- Tu veux que j'te raccompagne pas loin de chez toi ou ça ira ?

- Ouais, c'est vrai. Mais bon, on s'éclate bien, y a de l'argent à se faire. Et même à regarder, c'est sympa. Si tu veux y participer, y en a un dans quelques jours. J'y serai avec une amie. Et on peut s'prévoir quelques séances de baston. Pour moi, ça serait à ta portée, faut juste un peu plus de force quoi. Ou que tu saches où taper pour faire mal, genre la glotte... Ouais, y a presque rien d'interdit dans ce genre de combat, c'est du "free fight". Aucune règle.

Hm. Pourquoi pas...? J'imagine que m'occuper un peu de mon corps peut pas faire de mal. Enfin... Si, littéralement, si c'est pour se prendre des coups, mais c'est une des dernières choses dans lesquelles Kelya est encore au-dessus de moi. En soi, rien que ça, c'est plutôt motivant. Du free fight... L'ennui principal serait de trouver une source d'informations à absorber. Pour le karaté, le jiu-jitsu, le muay-thaï ou même le taekwondo, il y a des règles, et elles sont donc écrites. Tout comme les descriptifs des différentes techniques, de combat, de respiration... Autant de choses que je peux retenir facilement. Le free fight, c'est un peu plus d'instinct qui pèse dans la balance.

D'un autre côté, s'il y a des paris, une frêle étudiante inexpérimentée peut ramasser un putain de pactole.


- Je vais devoir y aller... Bon, c'était pas une rencontre courante, mais... Merci pour c'que t'as fait. J'en avais besoin, j'crois. T'es quoi, une sorte de gourou ambulant...?

- J'suis l'génie de la bordure, mais en termes de souhait, c'est limité.

- J'te laisse mon numéro? De toutes façon, si tu m'envoies des trucs louches, j'pourrai toujours t'envoyer les flics.

Zack attrapa son sac qu'il mit sur les épaules avant de tendre le joint à Skye.

- J'vais te donner le mien, comme ça, si t'as envie de s'bastonner ou de fumer, ou de boire, tu me contactes. Et si t'as pas envie, bah on en reste là et j'pourrai pas t'envoyer de trucs louches.

Il me tend son nano, en mode transfert de données. J'approche le mien, et le contact est transféré.

- Tu veux que j'te raccompagne pas loin de chez toi ou ça ira ?
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- Si tu veux, mais j'te le conseille pas... J'ai encore une coloc à buter. Et puis c'est déjà le matin, elle doit être dans un état...

Je lance des piques comme je peux, mais j'ai plus la même colère en moi. Je serais même presque disposée lui adresser la parole. On verra bien... Tout dépendra de sa réaction, de toutes façons. Mais je préfère de pas placer trop haut mon attente.

Je me dirige vers la sortie. S'il veut m'accompagner, je pars vers la gauche. Heureusement, j'ai dessaoulé et je suis désormais capable de me souvenir qu'il y a une appli de GPS sur le nanocom...

Zack dévisagea pendant quelques secondes Skye.
On pouvait croire qu'il la matait, mais pour une fois, ce n'était pas le cas.

Le colosse faisait simplement un petit "check-up" visuel de l'état de la jeune femme.
Tremblements et transpiration à cause de la nuit passée. Le regard était presque revenu à la normale, restait simplement un petit effet du joint.
Rien de bien grave en soi.

- Si tu veux, mais j'te le conseille pas... J'ai encore une coloc à buter. Et puis c'est déjà le matin, elle doit être dans un état...

Elle avait l'air encore sacrément en pétard.
Difficile de savoir ce qu'il s'était passé mais au moins elle s'était calmée sur les insultes.

- A buter, carrément. Gaffe. Dans une enquête, on vise d'abord l'entourage. 80% de chances que le coupable se trouve dedans, encore plus après une dispute. Attends donc un peu.

Il ricana de sa blague, tandis qu'il emboitait le pas de la jeune femme.

- T'as l'air ok pour rentrer seule et le jour se lève, ça devrait aller. Fais gaffe à toi et tiens-moi au courant pour n'importe quoi, si t'as envie.

Il fit un rapide "check" à Skye, avant de partir vers la droite.
Fallait qu'il dorme ,il avait un paquet d'heures de sommeil à rattraper avant de replonger dans des affaires plus sordides les unes que les autres.
Les joies d'être flic.

- Allez, Tchao championne ! Et j'te le laisse.

Il désigna le joint du doigt.